Toy story restait jusqu’ici l’unique entorse à la clause tacite de non-suites en vigueur chez Pixar, qui a toujours prôné le renouvellement. Il faut désormais compter avec la licence Cars, dont le second volet déboule cette semaine dans les salles (avant le retour, en 2013, de Monstres & cie), célébrant par la même occasion le quart de siècle d’existence du studio prodige.

John Lasseter l’a répété haut et fort : sa passion pour les voitures est sans bornes. Tel un enfant gâté, il s’était donc juré de consacrer un film entier à ce hobby, quitte à laisser un certain nombre d’inconditionnels du studio un peu perplexes. On s’était pourtant réellement pris d’affection pour la bourgade chaleureuse de Radiator Springs, peuplée d’autochtones insolites soudés par une vraie complicité ; Cars, c’est le moins que l’on puisse dire, en avait sous le capot. Mille fois hélas, cette suite accumule les erreurs grossières et son gadin au box-office US a valeur de claque intimant au studio de se ressaisir fissa. Non que les séquences d’action déçoivent (l’ouverture sur la plateforme pétrolière est digne des meilleurs classiques d’espionnage, tout comme la course-poursuite trépidante à travers Londres), ou que le film manque d’idées (le séjour nippon ne manque pas de sel), mais pourquoi diable les auteurs se sont-ils obstinés à proposer deux films en un ? Soit une enquête typiquement jamesbondienne au cours de laquelle Martin, la dépanneuse cabossée passablement irritante du premier volet, éclipse presque totalement son ami Flash McQueen, relégué au rang de bête compétiteur dans un championnat autour de la planète. Les deux intrigues s’entrecroisent, se chevauchent, se vampirisant l’une l’autre sans parvenir à trouver le point d’équilibre idéal. Fouillis dans sa trop grande densité, le récit épuise dans un film à cent à l’heure qui ne prend jamais le temps de souffler. Notre âme d’enfant vibre volontiers aux périls qui guettent le flamboyant bolide, tout en appréciant à sa juste mesure la charge en bonne et due forme contre le lobby pétrolier (bien que l’alternative des biocarburants puisse gêner aux entournures). Mais la surenchère ininterrompue de rebondissements déconcerte, tout comme le message sur l’amitié martelé grossièrement ou la surabondance de nouveaux personnages estampillés Tokyo ou Paris, dont le défilé ne semble pouvoir s’expliquer que par la multiplication programmée, dans les rayons des marchands, des produits dérivés.

Qu’on ne se méprenne pas : cette cuvée 2011 reste pleine de rythme, inventive et ultra-spectaculaire – c’est-à-dire, une fois de plus, bien au-dessus de la concurrence. On ne peut toutefois pas s’empêcher de rester perplexe devant une telle débauche d’énergie au service d’une intrigue brouillonne qui part dans tous les sens, s’éparpille et nous perd en cours de route. On en vient à se demander si les multiples casquettes de John Lasseter, qui l’avait jusque-là conduit à un sans-faute intimidant, ne nuisent pas à sa lucidité d’origine. Plus de temps accordé à l’écriture du script aurait sans doute permis aux auteurs d’accoucher d’une suite aussi réussie que Toy story 2. Cette fois, hélas, le miracle ne s’est pas reproduit.