Du jour au lendemain, grâce aux sept Oscars remportés par son produit cuculturel, Shakespeare in love, l’obscur John Madden est devenu une valeur sûre du box-office. Malheureusement, les statuettes sont rarement synonymes de talent : John Madden n’est qu’un habile faiseur, un petit cinéaste poussif. Et ce n’est certainement pas son dernier film qui nous démentira.

Archétype même de la coproduction internationale, Capitaine Corelli rassemble tous les ingrédients censés fabriquer un succès : un casting international évidemment, un « Academy award winning director » et un best-seller, le roman de Louis De Bernières, La Mandoline du capitaine Corelli. Si cette recette éprouvée est le plus souvent indigeste, cette fois on frise carrément l’intoxication alimentaire. Nous sommes en 1941 et l’armée italienne débarque sur l’île grecque de Céphalonie. Entre habitants et occupants, malgré une hostilité première, s’instaure progressivement une cohabitation paisible. Il faut dire que ces Italiens sont tellement joviaux, ils ne font que chanter, boire du vin, et ne semblent pas particulièrement apprécier le Duce. L’un d’entre eux, le capitaine Corelli (Nicolas Cage) -qui préfère de loin pousser la chansonnette plutôt que de titiller la gâchette- va follement tomber amoureux de l’une des habitantes de l’île, Pelagia (Penélope Cruz). Mais la « bella bambina » vient de se fiancer avec un pêcheur mal dégrossi.

D’un épisode méconnu de la Seconde Guerre mondiale -l’occupation pacifique de la Céphalonie avant que sa population (y compris les soldats italiens qui s’étaient ralliés aux Grecs) ne soit massacrée par l’armée allemande-, John Madden ne tire qu’un ramassis de clichés. Chaque nationalité possède un trait distinctif on ne peut plus stéréotypé : à l’Italie, l’hédonisme, à l’Allemagne, la discipline et à la Grèce, la fierté. Mais heureusement le pouvoir universel de la musique et de l’amour rassemblera (un temps du moins) ce casting tripartite qui a aussi la particularité, très commode, de s’exprimer en anglais. En résulte un brouhaha d’accents collés à la langue de Shakespeare. Chaque acteur y va de sa petite performance et s’expose constamment au ridicule, l’Américain Nicolas Cage parle mieux italien que ses ancêtres, l’Anglais Christian Bale se prend pour un Grec et Penelope Cruz, malgré tous ses efforts, n’arrive pas à se départir de son véritable accent espagnol. Absurdes, risibles (face à tant d’artificialité même l’authentique accent grec d’Irène Papas finit par sonner faux), ces aberrations linguistiques nous font totalement perdre de vue les faibles enjeux dramatiques du film. Il ne nous reste alors plus qu’à admirer les paysages de Céphalonie, contempler ses plages, son eau turquoise, et penser vaguement que l’on passerait bien nos prochaines vacances en Grèce.