EXCLUSIF:

Notre reportage sur le tournage du Redoutable
YS

Hazanavicieux

Ne cherchez plus chez les Coréens: le revenge movie de l’année se cachait dans la sélection française. Il ne faut pas longtemps pour identifier, sous son vernis de fantaisie pop à clins d’oeil, le projet gros bidasse qui transpire sous Le Redoutable: une pure et simple opération punitive, tendance bite au cirage et tabassage de binocleux. C’est qu’il y avait du monde à venger: le cinéma français, la télé, la pub, et puis surtout les rangs éternels du vrai public de cinéma, celui qui remplit les salles pour se changer les idées et sûrement pas pour se les faire plier en quatre par un intello qui zozotte. Tous sont représentés ici à tour de rôle, réunis en un seul peloton d’exécution sous le commandement de Michel Hazanavicius, le génie à qui l’on doit The Artist. On se doutait bien, à la vue de la bande annonce, que le film chanterait ce vieux refrain des nostalgiques de Pierrot le Fou: celui d’un Godard perdu pour le cinéma après La Chinoise (Hazanavicius fait bizarrement l’impasse sur Week-End), jamais revenu des années Dziga Vertov. Pourquoi pas: c’est un point de vue qui, à défaut d’être juste, a pour lui d’être très répandu. De même qu’Hazanavicius était bien en droit, après tout, d’extrapoler le potentiel burlesque du personnage Godard ou même le ridicule tout à fait concevable (lui-même n’en était pas vraiment dupe) de son virage en épingle vers le militantisme. Mais ce qui frappe, outre la médiocrité embarrassante du film (un empilage d’idées de sketch pour réveillon Canal Plus), c’est la vanité inouïe de son programme mange-merde, qui consiste à faire rendre gorge à l’aura de Godard bien au-delà de la période qu’il documente par le biais des mémoires d’Anne Wiazemsky. Car les petits pastiches consternants dont Hazanavicius émaille son film (des reprises goguenardes de motifs piochés dans Le Mépris, Vivre sa vie et globalement tout le Godard 60’s) se présentent moins sous l’angle de la citation que de celui, particulièrement péteux, du détournement. Il faut voir à ce sujet combien Hazanavicius, qui a dû s’auto-convaincre que son Grand détournement avait fait de lui un debordien honoraire, se régale à l’idée de citer un célèbre sarcasme situ (« Le plus con des Suisses pro-chinois »), qu’il loge exactement au même niveau qu’une autre humiliation infligée plus tard dans le film à Godard par un cadre de Publicis. Godard, Debord, Publicis: pour Hazanavicius c’est le même folklore, et le film passe deux heures à vous chuchoter de pastiche en pastiche que, hé, si c’est si facile de faire du Godard, c’est bien que Godard n’a rien inventé. La prochaine fois t’embête pas Michel: attaque-toi directement à l’imposture des frères Lumière.
JM

Les vrais durs ne dansent pas

Chose courante pendant le festival : rater une projection et en caser une autre au débotté dans l’espace nouvellement libéré de son agenda, avec l’espoir de découvrir une pépite inattendue. De quoi ensuite trôner pendant quelques heures au sommet de la critique aventurière en jouant de son fabuleux déhanché daneysien. On a tenté le coup avec Mobile Homes, bardé de notre instinct de chasseur de truffes cannoises et, las, on a perdu. Adieu boules à facettes, retour à la rédaction assise sur un film aimable mais sans grand éclat. Réalisé par un français installé aux Etats-Unis, Mobile Homes s’attache aux pas d’une jeune fille et de son enfant, coincés dans les marges de l’Amérique, et subsistant de petits trafics illégaux, sous la coupe d’un petit ami paumé. Démarrant comme une dardennerie en americana, le film s’échappe vite de ce programme empoisonné pour aller mordre plus modestement sur les territoires d’Andrea Arnold : sentiments fiévreux, psychologie butée et bel élan photographique. Ce faisant, le réalisateur s’en sort honorablement par l’attention portée à ses personnages, tous très bien interprétés, et quelques nuances de bonté venues colorer la noirceur de son tableau social. De quoi, in fine, conduire un film carburant à l’épate visuelle vers des rivages plus tendres et émouvants.
GO

Un chien noir

Jeune fille en fleur + vacances d’été + premiers émois transpirants + un soupçon de drame. Avec des ingrédients pareils, on sait ce qui sort du shaker: un premier film FEMIS on the rocks, servi à l’open bar de la Semaine de la Critique. Pas le genre à donner très soif, et pourtant le film de Léa Mysius, est une plutôt bonne surprise. Le film part d’une idée assez belle. La jeune fille en question apprend, quand s’ouvre le récit, qu’elle n’y verra bientôt plus: l’été qui commence sera son dernier avant de devenir aveugle. L’obscurité qui menace s’annonce par l’entremise allégorique d’un gros chien noir errant sur la plage : le film est né de cette image, et on sent bien en de multiples endroits que son inspiration est venue comme ça, par petits flashs, images entêtantes. Le chien a un maître, jeune, gitan, beau mec: c’est le chapitre premiers émois qui s’amorce et lance le film sur des rails attendus. S’il convainc en dépit de ce programme rebattu, c’est qu’il a, à l’instar de sa jeune héroïne (Noée Abita, l’actrice, est très convaincante), un côté revêche, limite renfrogné (à commencer par son image un peu cramée, violente à l’oeil), qui le garde des préciosités généralement en cours dans sa catégorie. Rien de miraculeux non plus mais, voilà, c’est tout de même pas mal.
JM

Une vache maigre

Il avait le souffle court et le l’oeil intimidé, Hubert Charruel, au moment de monter sur scène pour accompagner son Petit Paysan à la Semaine de la Critique. En offrant un précieux tremplin aux premiers films, la sélection donne l’occasion de voir émerger les nouvelles têtes du Jeune Cinéma Français, dont les représentants jouent chaque année des coudes avec l’espérance de frapper fort. En 2016, Grave de Julia Ducournau avait su ramasser les lauriers des festivaliers, grâce à une recette imparable (pitch impeccable, mélange des genres, séquences coup de poing) et pour le succès en salles que l’on sait. Ce sera peut-être plus difficile pour Petit Paysan : car s’il ne déroge pas à la règle (un thriller paysan touillant humeurs paranoïaques, imaginaire horrifique et observation sociale aigüe), il exécute ce programme sur un mode délibérément mineur. Un exploitant indépendant et appliqué fait face à une étrange épidémie décimant une à une ses vaches laitières, mais décide de dissimuler cette contagion de crainte de voir son troupeau abattu. Un point de départ alléchant (comment faire disparaître une vache sans que les voisins, les amis, les inspecteurs sanitaires s’en aperçoivent ?), relayé par une certaine efficacité d’exécution et une juste évaluation de ses atouts (solidité des personnages, concision de l’écriture). Mais très vite, les qualités du projet vont dessiner les contours de ses défauts, dans cette manière frustrante de ne jamais éloigner le film de sa zone de confort. Malgré quelques jolies prises d’élans (l’accouchement laborieux d’un veau, qui donne l’impression d’assister à un arrachage de dent cauchemardesque), on sent que le cinéaste rechigne à explorer complètement le potentiel de son intrigue, de peur de faire un faux pas. Difficile de reprocher à Charruel d’avoir joué la carte de la prudence, même si on sait bien qu’à Cannes, il n’est jamais très profitable de pécher par excès de précaution.
LB

Chronic’art recrute, saison 3

Quatrième jour de la compét’, avec un ex-aequo parfait et éclatant: 100% de réussite pour Isabelle et pour Philippe, mais dans la main vers la victoire.

Tous les résultats ici :

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