« Vous êtes très gentils », a donc dit Ken Loach au jury qui, fort gentiment en effet, venait de lui décerner la Palme d’Or. Et c’est vrai qu’ils avaient tous l’air gentil, avec leurs sourires synchrones devant les guirlandes scintillantes du Grand Théâtre Lumière : on aurait dit un remake Chopard du Village des damnés, tourné pendant l’arbre de Noël d’un comité d’entreprise BNP-Paribas. Ken Loach lui-même a été symétriquement gentil, remerciant toutes les petites mains du festival auxquelles on ne pense pas (il a raison), et concluant son discours en rappelant que, face à l’emprise néo-libérale, « un autre monde est possible et nécessaire » (ben oui). Son film, de fait, est très gentil lui aussi, quoique un peu nul, et c’est dommage en vérité tant il aurait pu donner un beau mélo si Loach s’était donné la peine de le tourner, au lieu d’y stocker par la seule force de l’habitude les fruits plus très mûrs de sa noble indignation. Autant dire qu’il fallait vraiment être gentil pour voir en I, Daniel Blake, le meilleur film de cette compétition 2016, et qu’à ce titre Loach a fait des remerciements parfaitement adéquats.

Ceux de Xavier Dolan, honoré d’un Grand Prix pour Juste la fin du monde, n’étaient pas non plus méchants mais on y sentait poindre, parmi les trémolos, un agacement non feint à l’égard de l’accueil critique réfrigérant reçu par son film quelques jours plus tôt. On pourrait s’en agacer en retour, mais il y a à vrai dire quelque chose d’authentiquement émouvant dans cette candeur. Parce qu’elle dit une chose intéressante: que Dolan était pratiquement le seul, ici, à n’avoir pas compris combien ces festivités relevaient purement et simplement du registre de la farce. Les indices, pourtant, étaient partout. Où, sinon dans une farce, Mel Gibson aurait-il pu dire: « J’espère que cette Palme changera la destinée de son réalisateur », avant de la remettre aux mains de Ken Loach, 79 ans, lui-même rappelant combien « Cannes est très important pour le futur du cinéma » ? Où, ailleurs que dans une farce, aurait-on pu faire jouer une version orchestrale de « Suicide is painless » avant de déclarer sérieusement (mais justement, ce n’est pas sérieux), que I, Daniel Blake est un meilleur film que Elle, que Julieta, qu’Aquarius, que Toni Erdmann ? Dans quel recoin sinistré de la réalité pourrait-on penser vraiment qu’Olivier Assayas est un meilleur metteur en scène que Bruno Dumont ? Seulement Dolan, fruit expérimental du festival (j’en parlais il y a trois jours), ne comprend pas qu’il n’y a qu’une farce pour être ainsi remplie de gens gentils et souriants, venus valider le scénario de son irrésistible ascension. Qui pourrait lui en vouloir de ne pas comprendre, à la lecture de la presse, que tout le monde ne soit pas gentil avec lui ? Qui pourrait, dans un tel contexte, lui tenir rigueur de s’émouvoir de tant de méchanceté, et de dégainer pour sa défense une citation d’Anatole France retrouvée sur un bristol de ses révisions du Bac français ?

La farce, décidément, aura été le grand thème de cette édition 2016. Il faut apprécier cette vertigineuse remise des prix au regard des deux plus grands films de la compétition, Ma Loute et Elle, deux sublimes farces précisément, étirant avec malice ces mêmes grimaces qui se répandaient hier soir sous les ors du Palais des Festivals, et dont le cinéma français est majoritairement fait. Et saluer à ce titre Laurent Laffite, deux fois dindon, homme de l’année, dans le film de Verhoeven comme sur la scène du Palais. Raccord parfait, entre le dynamitage par Verhoeven des scènes hexagonales de banquet et le gueuleton d’hier soir; raccord parfait entre Valéria Bruni Tedeschi s’époumonant chez Dumont : « Oh ! des pêcheurs de moules ! c’est tellement pittoresque ! », et le spectacle d’une assemblée endimanchée applaudissant d’une main le discours anti-libéral d’un vieux cinéaste anglais tout en préparant l’autre pour les petits fours. Avis à la presse: le premier qui titre sur la Palme « Nuit debout » de Ken Loach a un gage. Et si Dolan lui-même n’a pas su reconnaître la farce dont il était l’un des héros, son film, pour le moins inégal, partage au fond quelques ambitions avec Elle ou Ma Loute, en plongeant le même type de casting dans un bain acidifiant de grimaces. Qui sait, peut-être le jour où Dolan comprendra qu’il est célébré dans un monde de farce, deviendra-t-il un aussi grand cinéaste que Bruno Dumont et Paul Verhoeven.

Pour les critiques, Cannes a fonction de cure, c’est un genre de thalasso pour les yeux. Voilà pourquoi ils râlent tant, quand ils ont le sentiment qu’on ne leur a donné que de la mauvaise boue. Aucune raison de se plaindre cette année: la sélection officielle fut, d’un avis à peu près unanime, d’une très bonne tenue. Les films de Dumont et de Verhoeven, pour ne retenir qu’eux, nous ont redonné ce goût du cinéma qui ne revient que périodiquement, quand les films font l’impression de joyeux attentats dans les goûts, dans les pratiques, dans les modalités de leur temps. Qu’importe alors qu’ils reviennent sans médailles, et que la kermesse finale leur reprenne la farce des mains. Il suffisait de les voir pendant leurs conférences de presse, impériaux et décontractés, leur génie rayonnant dans une parfaite placidité: ils n’ont pas besoin de ça.

Le palmarès :

Palme d’Or : I, Daniel Blake (Ken Loach)
Grand Prix : Juste La Fin Du Monde (Xavier Dolan)
Prix du jury : American Honey (Andrea Arnold)
Prix d’interprétation féminine : Jaclyn Jose dans Ma’Rosa
Prix d’interprétation masculine : Shahab Hosseini dans Le Client
Prix de la mise en scène : ex aequo Baccalauréat (Cristian Mungiu) et Personal Shopper (Olivier Assayas)
Prix du scénario : Asghar Farhadi pour Le Client
Caméra d’Or : Divines (Houda Benyamina)
Palme d’Or du court métrage : Timecode (Gimenez Juanjo)
Mention spéciale du court métrage : La jeune fille qui dansait avec le diable (João Paulo Miranda Maria)

Chronic’art recrute (dernière)

Et pour finir, un autre palmarès, un autre genre de farce, beaucoup moins sinistre: voici les résultats de la deuxième saison de notre grand concours « Qui veut un job chez Chronic’art ? » L’an dernier, c’est Philippe Azoury qui gagnait une promesse d’embauche. Il aurait mieux fait de ne pas se raviser: cette année le job lui échappe. Et c’est Guillaume Loison, outsider de cette édition et néanmoins ancien membre de la rédaction de Chronic’art, qui remporte le jeu avec une courte avance sur Vincent Malausa. Guillaume, welcome back, on t’avait gardé ta place de parking.

Ici le classement complet:
1- Guillaume Loison (L’Obs)
2- Vincent Malausa (Les Cahiers du Cinéma)
3- Julien Gester (Libération)
4- Jean-Marc Lalanne (Les Inrocks)
5- Frédéric Foubert (Première)
6- Isabelle Regnier (Le Monde)
7- Philippe Azoury (Grazia)
8- Eric Neuhoff (Le Figaro)
9- François Grelet (Technikart)

lettre embauche chro

Sur ce, vive le cinéma, et à l’année prochaine.

49 COMMENTAIRES

  1. Les films de Dumont et de Verhoeven sont encore une nouvelle fois au dessus du lot…il n’y que la farce au farceurs qui ne veulent pas l’entendre…..de la a dire que la qualité du Cinéma actuelle ne tient qu’a une poignet de réal ? il n’y a qu’un pas…..

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  17. C’est rigolo de lire tous vos papiers qui démontent le palmarès. Cerise sur le gâteau : le Festival de Cannes et son jury 2016, serait une farce. Hahaha ! Tout ce rejet et cette dénonciation d’un système, pour conclure votre papier sur une private joke so corporate… Re-hahaha ! Pourtant, nous festivaliers lambdas avec notre badge jaune qui nous interdit les projections même après une file d’attente de deux heures parce que ces messieurs/dames les journalistes ont dansé jusqu’au petit matin au Vertigo (oups… étaient en repérage pour savoir ce que les vrais gens pensent des films et de la vie). Ne pas vous lever pour 8h30 et pourrir celle des exploitants, techniciens, salariés de festivals, boîtes de prod et autres associations cinématographiques qui acceptent de misérables salaires par passion, qui oeuvrent à l’année pour faire exister le cinéma d’auteur sur leur territoire, ces gens qui permettent au cinéma que vous défendez de perdurer et dont vous vous contrefichez à l’année alors que, ne serait-ce qu’une brève, une citation ou une colonne dans vos médias nationaux permettrait de sauver leur travail (aux badges jaunes) car cela aiderait à maintenir des subventions (oui, oui, la revue de presse est importante pour les élus des collectivités territoriales, sociétés civiles et autres mécènes). Vous, journalistes, êtes en co-responsables de tous ces festivals/associations cinématographiques qui agonisent en France. Alors permettez-moi de me gausser sur vos articles rageux à propos de ce palmarès 2016 comme si vous aviez découvert vous-même une pépite en l’occurrence, Toni Erdmann et qu’on ne reconnaissait pas votre talent de sélectionneur. Hahaha ! Quelle vaste fumisterie ! Pour finir, pensez-vous réellement que votre entre-soi ne fait pas de mal au cinéma que vous êtes sensés défendre !? Pensez-vous vraiment que les atermoiements cannois de Philippe Azoury dans le Grazia Daily sont agréables à lire !? Qu’on en a quelque chose à foutre de votre quotidien sur Cannes, amis des Inrocks/Film Français/Cahiers du Cinéma/Libé/Slate/le Monde !? Que le plat du jour de la Potinière n’était pas à votre goût !? Que les « stars » ne voulaient pas partager une coupette de Champagne avec vous chez Albane !? Quelle non reconnaissance pour votre travail… Hahaha ! Nan, j’déconne. Vous êtes aussi ridicules à vous agiter ainsi que ce que vous prétendez dénoncer. Redescendez parmi nous.

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