Une œuvre colossale

A la croisée de la farce littéraire et du burlesque cinématographique, de la mythologie grecque et du mysticisme flamand, Dumont vient de réaliser une œuvre colossale, qui a la politesse de fuir sa monumentalité dans l’image amoureuse et énigmatique d’un corps nu immergé dans la mer. La suite ici.
GO

Un loup et un agneau

De loin les plus attendus de la sélection française, les films d’Alain Guiraudie et de Bruno Dumont sont venus reposer les bases d’une vieille dialectique cannoise. D’un côté, les oeuvres écrasantes, celles qui bombent le torse et terrassent tout sur leur passage ; de l’autre, les oeuvres écrasées, celles qui se grattent la tête et semblent constamment à la recherche de leur mode d’emploi. Ainsi du Guiraudie dont le titre, Rester vertical, annonçait une pièce d’envergure mais qui, en vérité, s’enjoint à rester vertical face à sa propre tendance à l’égarement. Beau mais passablement démissionnaire, le film raconte d’ailleurs l’histoire d’un réalisateur qui préfère s’occuper d’un enfant plutôt qu’écrire un scénario, comme si Guiraudie voulait faire faux bond aux attentes démesurées que son précédent film avait mises sur lui. Tout l’inverse de Ma Loute de Dumont, qui avec son casting all star et sa puissance picturale inouïe ne cache pas son ambition : ingurgiter tout l’écosystème du cinéma français, puis le broyer sous les coups de boutoir d’un burlesque plus dément que jamais. Si les deux films ont pris le risque de faire souffler sur leurs terres des tempêtes contradictoires, ils s’en sortent donc avec des fortunes diverses : l’un cabossé, presque vulnérable ; l’autre endurci, quasi invincible. Chacun à leur manière, ils dessinent en tout cas une volonté de réconcilier l’irréconciliable qui, au-delà de l’émoi cannois, dégagent à l’avenir du cinéma français un horizon proprement fabuleux.
LB

Cuisine interne (1)

CAPTURE

Bérénice, ça glisse

Double ration de Bérénice Bejo cette année à la Quinzaine: doctoresse idéalisée par Bellochio dans Fais de beaux rêves (hier en ouverture), on la retrouvait aujourd’hui en plein crise conjugale chez Joachim Lafosse (dans l’épouvantable L’Économie du couple). Je ne m’en plaindrai pas (l’interviewant pour un magazine concurrent, j’ai dû me rendre à l’évidence: elle est extrêmement sympathique) et en même temps si, un peu (ses personnages le sont moins qu’elle). C’est que ses actuels choix de carrière dessinent une prédilection pour un biotope peu engageant: le mélo psychologique grisou, avec intérieur néo-bourgeois, procédure de divorce et lumière d’hospice. Le Passé et The Search cochaient toutes ces cases-là, et L’Économie du couple vient en remettre une couche sévère avec son étude chirurgicale d’une union au bord de la crise de nerf, observée depuis le perron ou l’encadrement de la porte du salon, avec la distance et la retenue pudique du paillasson. Aucun doute n’est permis : si ses personnages semblent nous glisser constamment entre les doigts, c’est moins la faute de son jeu que de son goût inconsidéré, et visiblement incurable, pour les cinéastes-chirurgiens et les chef-op’ amateurs de ciels gris.
YS

Un gros bordel

Quelque chose rend d’emblée sympathique Victoria, le deuxième long métrage de Justine Triet qui ouvrait hier en séance spéciale la Semaine de la critique : c’est l’appartement bordélique de son héroïne, plein à craquer de fringues, de livres, de jeux pour enfants, et au milieu duquel deux enfants sont posés comme égarés parmi des ruines. L’appart est à l’image de l’héroïne, Victoria Spik, avocate surmenée : prise entre l’affaire d’un ami à défendre, des rencontres Tinder foireuses, son psy, ses gosses, un ex qui étale sa vie sur son blog, mais aidée d’une sorte d’ami à tout faire en la personne d’un jeune paumé enamouré (Vincent Lacoste), elle est perpétuellement au bord de l’implosion. On pourrait poser là une règle du cinéma français, quelque chose comme: montre-moi ton appart et je te dirai quel film tu es. Le cinéma français a peut-être avant tout un problème de décorateurs ; il croule sous les appartements à la fois sur-décorés et inhabités, produisant du même coup des films désincarnés. Dans Victoria, à l’inverse, la justesse des décors débouche naturellement sur une justesse et une chaleur du regard, et Triet retourne ainsi en vraies beautés les faiblesses et les limites de La Bataille de Solférino, où déjà le chaos faisait office de principe de mise en scène. En cela, même si Triet évoque très largement la comédie américaine dans le dossier de presse (Brooks, Hawks, Blake Edwards, mais on citerait plus volontiers Woody Allen pour la peinture de mœurs et Opening Night pour le portrait de femme fissurée) la véritable réussite du film tient à ce qu’il nous offre ce que nous, spectateurs français, n’attendions plus : Victoria est bien un film français, un film populaire, une comédie romantique française sur des vies françaises, un film qui a tout ce qu’il faut pour entrer dans la vie des gens et qui nous donne des acteurs français, sexy et drôles (on n’y croyait plus) à aimer.
MJ

Cuisine interne (2)

CAPTURE_03_IMG_5139Un théâtre bien filmé

Dans le genre oeuvre écrasante, Sieranevada se pose là. Ce n’est pas vraiment une surprise: parmi la première génération de la nouvelle vague roumaine, Cristi Puiu est de toute évidence le plus brillant. Sieranevada déplace le regard acerbe de La mort de Dante Lazarescu et Aurora vers un canevas d’hystérie familiale en huis-clos qui constitue un genre en soi, articulé généralement autour du même genre de prétexte: repas dominical, deuil, affaires de succession – ici: un repas qui n’en finit pas de ne pas commencer, requis par l’anniversaire d’un décès. Genre théâtral par nature, pas forcément très engageant, mais que Puiu tire vers des sommets de virtuosité sans donner jamais l’impression de forcer. À l’encontre de ce genre, on dégaine généralement un peu vite le carton rouge du « théâtre filmé », en oubliant que, précisément, la prison du décor (sur 2h40 de film, on reste ici plus de deux heures entre les murs d’un appartement aux pièces nombreuses mais petites et vite saturées) nécessite du côté de la mise en scène une extrême minutie. Postée dans le vestibule comme une vigie hyper alerte, la caméra de Puiu panote d’une porte à l’autre, ouvrant chaque fois sur une petite scène tchékhovienne autonome et composant discrètement, avec un sens du timing épatant, une parfaite petite symphonie réaliste. Le film a, en cela, les limites d’un brillant exercice de style (redoublées de celles de la tentation inévitable d’un portrait du pays entier, en transparence), mais n’en reste pas moins réellement impressionnant.
JM

Haute sécurité #2 : Grand Théâtre Lumière

Notre enquête se poursuit dans le sanctuaire suprême, vendredi matin à 8h30. À cette heure matinale, le Grand Théâtre est pris d’assaut par une horde de journalistes ensuqués – or on sait combien l’inattention peut coûter cher en situation d’urgence. On regrettera donc l’absence de fouille au premier checkpoint, l’attrait d’une offensive spectaculaire sur le tapis rouge n’étant pas à négliger. Saluons en revanche la judicieuse répartition spatiale des vigiles à l’intérieur de la salle : postés non seulement à proximité des issues de secours mais aussi des commandes d’ouverture automatique des trappes, ils sont en mesure d’ouvrir rapidement la voie à une éventuelle intervention d’un sniper de la BRI héliporté. Pourvu que ce dernier travaille au 12,7 mm et au pointeur laser, la phase de nettoyage s’annonce donc optimum. Notons que l’accès facilité aux issues de secours offre une latitude parfaite pour une évacuation accélérée, qui permettrait de limiter considérablement les pertes  – selon notre estimation, de 60 à 70% par rapport à une configuration ordinaire – en cas d’assaut coordonné entre le balcon et l’orchestre. Verdict: 4/5
YS

Chronic’art recrute

Souvenez-vous: l’an dernier nous lancions un grand concours, parmi nos concurrents et néanmoins amis, afin de trouver une nouvelle recrue pour Chronic’art. Philippe Azoury avait fini premier sur le podium, mais se laissait finalement convaincre par le pont d’or que lui offrait Grazia pour honorer son contrat jusqu’au bout. Bref: tout est à recommencer, et Philippe lui-même, échaudé par le nouveau menu 100% sans gluten de la cantine de Grazia. Et au premier round de cette deuxième saison, c’est Vincent Malausa qui prend une courte avance sur ses camarades. Bravo Vincent.

Tous les résultats ici :
CHRO_5_0_?

19 COMMENTAIRES

  1. Tres drôle le compte rendu sécurité haha a part le Dumont vite fait pas grand chose qui me tente dans les films dont il est question:Triet c’est vraiment ce cinéma de gauche ou « on souffre mais on aime se regarder souffrir dans la vie de tout les jours » et le roumain c’est le genre de grosse machine qui vaccine

  2. Tres drôle le compte rendu sécurité haha a part le Dumont vite fait pas grand chose qui me tente dans les films dont il est question:Triet c’est vraiment ce cinéma de gauche ou « on souffre mais on aime se regarder souffrir dans la vie de tout les jours » et le roumain c’est le genre de grosse machine qui vaccine

  3. Tres drôle le compte rendu sécurité haha a part le Dumont vite fait pas grand chose qui me tente dans les films dont il est question:Triet c’est vraiment ce cinéma de gauche ou « on souffre mais on aime se regarder souffrir dans la vie de tout les jours » et le roumain c’est le genre de grosse machine qui vaccine

  4. Tres drôle le compte rendu sécurité haha a part le Dumont vite fait pas grand chose qui me tente dans les films dont il est question:Triet c’est vraiment ce cinéma de gauche ou « on souffre mais on aime se regarder souffrir dans la vie de tout les jours » et le roumain c’est le genre de grosse machine qui vaccine

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