Passion à l’amour à la mort au camping de Palavas-les-Flots ou assimilé, corps tourmentés par la chaleur des vacances et l’ennui des caravanes, âpreté des sapins sous lesquels dorment les campeurs après une soirée barbecue : Camping sauvage voudrait-il mêler Les Bronzés à Philippe Grandrieux ? Sans doute pas, non, mais en tout cas le premier long métrage de Christophe Ali et Nicolas Bonilauri, s’il délaisse heureusement l’exercice toujours un peu minable du portrait de Bidochons, ne renonce pas à fréquenter les paysages plus dangereux du réalisateur de Sombre et La Vie nouvelle. Ce duo de cinéastes, on le connaissait un peu, et pas pour de bonnes raisons, depuis un moyen métrage visqueux, Le Rat, énième resucée autiste de Eraserhead. Avec Camping sauvage, Ali et Bonilauri atteignent indéniablement une autre dimension et se révèlent capables de faire tenir debout un film, une durée, une image, des cadres. C’est déjà bien, c’est aussi peu.

Inspiré d’un fait divers qui s’est déroulé en Vendée il y a une quinzaine d’années, Camping sauvage fixe la rencontre entre Camille (Isild Le Besco), 17 ans, qui s’ennuie autant avec ses parents qu’avec son petit copain, et Blaise (Denis Lavant), la quarantaine, le nouveau moniteur de voile. Tous deux se rapprochent spontanément, quelque marginalité les réunit et les sépare du reste de la communauté campeuse, repliée sur ses rituels, ses frontières. Camille et Blaise vivent une histoire et le camping ne l’accepte pas, il est sauvage. Plus qu’une love story interdite entre un mystérieux mono et une lolita de mobil home, le film s’attache à recréer par ses images un état, une sensation d’étuve et de lourdeur estivale, à laisser affleurer à la surface d’un territoire aussi codifié qu’un camping une terreur souterraine et monstrueuse. La parenté avec Sombre s’arrête là, à ce choix d’un cadre lié à la France profonde (camping ici, Tour de France là), parce qu’au-delà de ce programme il n’y a rien, dans Camping sauvage, qui prend le relais. Les réalisateurs insistent lourdement d’une main (la scène du cauchemar de Denis Lavant, inutile et clinquante) pour faire contrepoint à ce qu’ils ne peuvent empêcher de l’autre (la mièvrerie de l’escapade des amoureux, qui se filment au caméscope, courent tout nus sur la plage, amants terribles de supérette). Leur acharnement à grandir une affaire dérisoire en petit opéra sauvage ne mène à rien. Et peut-être est-ce justement là la logique du fait divers, qui parfois ne dit rien d’autre que son propre fait, sa propre histoire, rien de plus qu’un homme et une fille qui s’aiment et partent ensemble pour ne plus revenir. Et on a beau le filmer avec un sérieux très appuyé, quelques effets ronflants, il résiste à la fiction et à la parabole.