On sait le scandale provoqué par Bubble, sorti simultanément au cinéma, en DVD et téléchargeable sur Internet, et l’affrontement Soderbergh / Shyamalan pour qui ce genre de pratiques risquait de tuer la salle de cinéma. Débat sans doute intéressant mais qui ne concerne pas le film lui-même, oeuvre d’abord curieuse de laquelle on ressort pourtant avec le sentiment d’avoir assister à quelque chose de relativement anecdotique. Bubble raconte, dans une petite ville de l’Ohio, une histoire triangulaire entre une femme amie avec un jeune homme qui travaille avec elle dans une fabrique de poupées, et l’arrivée d’une nouvelle ouvrière qui va chambouler le bon ordonnancement de cette amitié un peu terne et aboutir au pire.

Il y a un sévère manque de point de vue dans Bubble, une façon de se contenter d’une neutralité bienveillante qui n’apporte pas grand chose sur la réalité sociale décrite par Soderbergh. L’angélisme de son personnage, sa prise de conscience par l’intermédiaire d’une lumière divine, à la fin, est une façon pour le réalisateur de se dispenser d’apporter son propre regard sur les événements. C’est bien réalisé, avec une certaine élégance, un usage étonnant de la HD, mais le film fait quand même un peu l’effet d’une bande démo tant il est peu investi par son auteur. Soderbergh de toute façon est un mystère, chez qui règne généralement un vide abyssal au milieu de ces structures savantes, non dénuées d’une véritable virtuosité (mais au service de quoi ?). La neurasthénie latente des personnages, la déshérence propre et silencieuse du patelin, la misère (affective, morale, financière) de ses personnages, tout cela constitue une toile de fond intéressante, mais on attend que le film se déploie dans autre chose que ces tautologies dont il fait son miel (du style « la bonté d’âme peut se muer en barbarie », so what ?).

Reste pourtant, au milieu du vide, quelques instants glanés par sa caméra, des expressions, des regards dû à d’excellents comédiens non professionnels, en particulier son héroïne, Debbie Doebereiner, dont la puissance massive perce avec subtilité derrière la douceur impavide de ses traits. Pourtant la fausse proximité et la réelle froideur avec laquelle Soderbergh regarde ce petit monde a quelque chose d’un peu déplaisant, in fine, lorsqu’on arrive au terme d’un film qui n’aura tenté de sonder aucun mystère humain. Rester à la surface des choses ? Pas sûr que la HD et le caractère un peu cru de son image doivent se contenter de cette surface.