Dans les films à suites, le troisième est souvent l’opus fatal, celui des mutations improbables et des greffes ratées. De ce point de vue, Blade trinity ne mérite ni l’enthousiasme délirant, ni l’infamie, même s’il y a fort à parier qu’on va entendre les pires horreurs à son propos. Le film (réalisé par le scénariste de la série) n’atteint jamais la beauté noire et mélancolique du deuxième, réalisé par Guillermo Del Toro, lequel avait déjà intégré l’idée de dégénérescence, d’une logique cannibale et littéralement vampirique de cette tendance croissante à la sérialisation dans le cinéma américain. Il creusait également un peu plus la position paradoxale de ce héros sombre et pas tout à fait humain, en lutte pour se maintenir hors de ce no man’s land moral qui menaçait de l’engloutir comme un vortex. Ici, en toute logique, ce sont les cellules folles qui l’emportent.

Rarement on aura vu un héros récurrent à ce point délaissé (si ce n’est dans les scènes d’action) au profit d’une galerie de personnages tous plus délirants les uns que les autres. C’est à la fois ce qui sauve le film d’un certain ennui (le jeu monolithique de Wesley Snipes) tout en grignotant l’intérêt qu’on peut porter à cette histoire, désormais contaminée par la parodie et les trouvailles « too much » (le vampire originel déterré dans le désert de Syrie). Cet aspect parodique est d’ailleurs ce qu’il y a de plus réjouissant (même si, immanquablement, la parodie signe la fin d’un genre), en particulier à travers le personnage de Danica Talos, interprété par Parker Posey, égérie du cinéma indépendant (chez Hal Hartley et Julian Schnabel par exemple). Son rôle de vampire gothique / new wave shooté tout droit sorti d’une boîte branchée du New York des années 80 apporte une distance ironique qui contraste avec l’esprit de sérieux (pour ne pas dire sinistre) du personnage éponyme.

Cette manière déconnante, Parker Posey est néanmoins la seule à lui conférer une certaine distinction, une légèreté qui dissimule une angoisse métaphysique là où les autres surjouent la rigolade ou la gravité. Au fond le problème de Blade trinity est là, dans ce tiraillement entre deux pôles inconciliables, dans cette impossible fusion du pur et de l’impur, du drôle et du moins drôle. Cette contradiction, Parker Posey est la seule à lui tenir tête. Dommage qu’elle n’ait pas un plus grand rôle.