De Craig Brewer, se souvenir d’Hustle & flow, portrait musical d’un petit mac du Sud qui tirait de son côté mini une fraîcheur et un dynamisme remarquables. Son nouveau film, Black snake moan, confirme sans détours ce qui était posé précédemment : Tennessee, musique, black spirit, petite rigueur formelle discrètement seventies. Christina Ricci est une jolie nympho que Samuel L. Jackson, bluesman plaqué par sa femme, retrouve amochée sur le pas de sa porte. Il la soigne puis l’enchaîne solidement au radiateur de la maison, entre exorcisme et sado maso.

Attache-moi version blues craspec, c’est à peu près cela. Avec une intelligence qui confine autant à la science du bricolage qu’à un humanisme pragmatique, Brewer assemble théorie et pratique pour saisir la métaphore au pied de la lettre. En ressort la même puissance dramatique qu’Hustle & flow : construire toujours, recycler les débris, les images ou les clichés, ne rien laisser en marge. Belle leçon d’entêtement et de générosité : Samuel Jackson et Christina Ricci renaissent chacun dans leur registre, sec et sobre pour l’un, muse et décalée pour l’autre. Vrai classicisme donc. Le baroque n’est qu’un point de départ, pure illustration de l’âme du blues tel que le décrit une légende musicale placée en ouverture.

C’est à la fois la force et la limite du film qui navigue entre démonstration et prévisibilité. On sent que Brewer a besoin de cales, de béquilles mais qu’une fois son périmètre tracé, il s’amuse comme un petit fou. Dans son déroulement pépère, Black snake moan tisse un cocon soyeux où le cinéaste cherche constamment à se frotter. L’idée du recyclage passe pleinement grâce à cette quête de confort : au fur et à mesure, les seconds couteaux affluent et se densifient, élargissant le cadre petit à petit. Ce cinéma a vraiment quelque chose de paysan : Semer, regarder pousser, cuisiner et bouffer, le charnel et la contemplation se donnent la main. Ceci posé, le film reste freluquet, sa ruralité cédant à l’esprit de village. Voilà une différence avec Hustle & flow, lequel rêvait de grandeur tout en se sachant petit, l’exact contraire de celui-ci.