De David Ayer, on se souvient du script de Training day, polar réjouissant d’Antoine Fuqua avec Denzel Washington en ripou machiavélique. Le voila de retour pour un film jumeau mis en scène par ses soins. On y suit un jeune vétéran de la guerre en Irak (Christian Bale) en passe d’être affecté à la police de Los Angeles. En attendant ses résultats, il débauche un copain chômeur pour zoner en ville. De petits trafics en rackets dans les ghettos, le duo se disloque petit à petit dans une spirale haineuse. La faute à tout le monde : au gouvernement qui profite des traumas guerriers du gamin en l’enrôlant dans un service de « nettoyage » top secret en Amérique latine, à une société sclérosée où l’ascenseur social, en panne sèche, titille la sauvagerie des bas-fonds.

Bad times n’est pas toujours très subtil, comme Training day. On n’est jamais loin d’une grandiloquence généralisée où la caractérisation des personnages rend le message trop prosaïque. Néanmoins, le film n’en reste pas moins limpide dans ses intentions, allant droit à l’essentiel, appliqué et sûr de lui. L’écriture assure ce qu’il faut de rythme et d’intensité dramatique : elle intègre remarquablement le social aux règles du film-gangsta, l’assignant en détonateur d’action. Prendre pour guide narratif un homme imprévisible et violent s’avère une formule imparable d’autant qu’un baromètre de normalité lui est accolé (son pote influençable).

On pense évidemment à Collateral sans que la référence soit écrasante. Car Ayer, plus jeune, plus chien fou que Michael Mann, limite son spectre aux lignes du scénario. Plus viscérale, sa mise en scène défriche l’espace comme l’on se fraie un chemin en pleine jungle, à coups de machette. Une idée résume bien la trajectoire de Bad times : les crises de violences, épilepsie rageuse qui embrase le corps de Christian Bale jusqu’à la rupture. Le personnage se débat et tout le film est à redéfinir comme s’il prenait un coup à l’estomac. Souvent, il cale juste après, KO debout (discours sursignifiant, mélo viril, action rapidement emballée), mais parvient in extremis à se relancer vers une nouvelle direction (la tangente au Mexique, beau moment). Une carburation imputable à Christian Bale, le meilleur des frustrés d’Hollywood, qui entre bestialité Actor’s studio et ironie cabotine instille à l’ensemble une noblesse inespérée.