Au hasard des sorties, Après vous, comédie dorée à l’or fin, succède aux roublardes Clefs de bagnole baffistes. Tous deux films-somme, mariages des contraires et vastes placards à balais, ils nourrissent cette compulsion de faire feu de tout bois, de relever chaque détail, chaque plan ou thématique pour tout jeter avec jouissance dans la grande marmite narrative. Mais la ressemblance s’arrête là. Qualitativement, le bosseur Salvadori laisse le charismatique branleur Baffie loin derrière lui, remportant haut la main la course du rire. L’auteur des Apprentis livre un film quasiment parfait, mélange savant de burlesque et de bons mots, truffé de portes de sorties aussi oxygénantes qu’enrichissantes. Bref, on sent la sueur sur la pellicule, celle d’un auteur travailleur et perfectionniste.

A l’image de Comme elle respire et des Marchands de sable, Salvadori affronte sans détour son thème, ici la générosité. Auteuil enfile l’uniforme pingouin d’un maître d’hôtel charismatique parce qu’altruiste, costume garnissant sa confortable collection de quinquas séducteurs. Sa rencontre avec José Garcia, personnage fantasmatique qu’il sauve du suicide, ne bouleverse pas le cliché Auteuil ni ne le sublime, mais l’affine. Une recherche de justesse empreinte de modestie qu’il appliquera au reste des éléments du film. Tout s’explique, se nuance, se justifie, se répète avec un dosage tellement élaboré que cette application forcenée révèle aussi bien au personnage qu’à Salvadori lui-même sa quête personnelle de simplicité. Cette corrélation personnage-cinéaste, cette retenue que tous deux soignent et nourrissent à la fois, sauve Après vous du livre de recettes consciencieusement appliquées.

Du coup, le film est animé par une sorte de valse à deux temps, où aux morceaux de bravoure succèdent des scènes de relâchement. Si cette forme d’élasticité (on aide, on souffle, on aide à nouveau) naît exclusivement des personnages, elle révèle avec clairvoyance les propres intentions du cinéaste : beaucoup donner (aux acteurs, au public), et faire en sorte que la couverture vienne à lui sans avoir à la tirer. Son classicisme formel va dans ce sens : mener efficacement une action, jouer de la popularité des acteurs, de leur magnétisme (magnifique introduction de Sandrine Kiberlain en ombre chinoise), s’en tenir aux gestes, au scénario, aux gags pour ce qu’ils sont. En écho aux personnages qui goûteront tous à la jouissance finale, le sensible accompagnateur aimant qu’est leur cinéaste touche obligatoirement. Le film gagne alors sur tous les tableaux. Rythmé, inspiré et drôle, Après vous s’affirme avec modestie comme la meilleure comédie populaire française depuis longtemps.