De film en film, Paul Weitz impose un style discret mais fin et délicat où la précision du montage le dispute à une écriture au cordeau. Après l’excellent mais anonyme En bonne compagnie, comédie douce-amère sur la vie en entreprise, il s’attelle à un projet plus ambitieux : mêler la guerre en Irak, une satire de Bush et la télé réalité dans une étude ludique du rêve américain. Bon gros maelström qu’un Karl Zero n’aurait pas renié, mais que la caméra du réalisateur de Pour un garçon rend incroyablement fluide et digeste. Car loin du poseur distancié ou de l’agitateur pompier, Paul Weitz a plutôt l’âme d’un consommateur éclairé, un chroniqueur de la pop culture qui n’a pas peur d’y goûter. D’où une douceur ineffable, presque flottante qui accompagne le spectateur en bon pote respecté.

Récit éclaté à la manière d’un zapping nonchalant, le film finit par se caler sur American dreamz, une Star ac’ dégénérée mais pas tant que ça, a laquelle personne ne finit par succomber. American dreamz, c’est évidemment l’ambition à la petite semaine, la seconde d’adrénaline et d’hystérie, l’accomplissement absolu comme la pastille d’évasion un peu honteuse de tout un chacun. Hugh Grant, Nikos local, ne résiste pas à s’investir corps et âmes dans ce jeu frivole malgré son cynisme existentiel et la lassitude que lui inspire le show. Paul Weitz n’hésite pas à lui faire porter le monde entier sur ses épaules, de la starlette middleclass pétrie d’ambition (Mandy Moore, impec) au président himself (Dennis Quaid dans une parodie brillante de Bush). Même Al-Qaida ne résiste pas aux manipulations de ce demi-Dieu de la vanne et grand assaisonneur de clichés.

C’est cet irrémédiable et inconscient appel de la pop que filme Paul Weitz, volonté pour chacun de remplir le centre de la petite lucarne et de s’y livrer entièrement. Pour Hugh Grant, c’est le plaisir aigu de la mise en scène et du court-circuitage ; pour les terroristes, l’occasion de révéler leur profonde humanité et communiquer pour leur cause par la violence ou le message subliminale (My way de Sinitra détourné en complainte sur le conflit irakien) ; pour Dennis Quaid-George Bush, le seul moyen de se défaire de l’influence Dick Cheney (Willem Dafoe, grimé du crâne au bide). Ainsi, la satire politique de type Guignol de l’info fait constamment profil bas malgré la virulence des gags, toujours hypnotisée par la lame de fond du divertissement. Paul Weitz ne s’insurge pas sur un potentiel mensonge médiatique, il admet simplement que la télé-réalité génère de l’émotion, qu’elle la cisèle comme une oeuvre de grand maître mais ne l’invente pas de toute pièce. Impressionnant de maîtrise et de sérénité.