Des nouvelles d’Istvan Szabo, cinéaste hongrois qui n’en finit plus de courir après son succès des années 80. Epoque bénie où Klaus Maria Brandauer, son acteur fétiche, décrochait des nominations aux Oscars à chacune de ses métaphores du troisième Reich, de Méphisto à Colonel Redl. Depuis que le tandem s’est disloqué, rien ne va plus. L’un panouille avec Christophe Lambert dans Vercingétorix pendant que l’autre s’acharne à tourner dans l’ombre les mêmes films encyclopédiques : Sunshine, pavé de 3 heures avec Ralph Fiennes couvrant trois générations d’aristocratie hongroise sur le déclin puis Taking side, huit clos théâtral sur fond de procès nazi. Adorable Julia est, d’après Szabo, une sorte d’intermède récréatif avant la reprise du cours d’histoire géo. On est cependant loin du virage à 180 degrés puisqu’il s’agit d’un vaudeville dans le Londres du début du XXe siècle avec reconstitution en pagaille, photo sépia et acteurs distingués.

Grande comédienne populaire, Julia voit approcher la quarantaine non sans crainte, quand un jeune fan venu d’Amérique lui crie son amour de groupie mâle. Etreintes romantiques. La belle renaît, euphorique sous l’œil circonspect des domestiques : les représentations vont bon train, l’Art du jeu à son sommet. Embrassades romantiques. C’est alors que, pistonné par l’amant juvénile, une ingénue auditionne Madame pour un rôle futur. Doutes romantiques. N’écoutant que son courage, Julia prépare sa vengeance, entourloupe forcément délicate et racée puisque l’arme du crime mutin est le jeu. Oui, faut pas croire, derrière ses allures de James Ivory sous Xanax et son ton volontiers badin, Adorable Julia bat le pouls de l’Actrice, butine son génie, l’encadre de mordoré pour mieux capter l’infinie noblesse de la femme et du théâtre avec un triple accent circonflexe.

Du sérieux donc, enfin surtout du sérieusement académique car le film se contente d’une bienséance aristocratique d’un intérêt relatif. Le problème porte sur Szabo lui-même, dont l’humour se limite à filmer les bons mots en spectateur passif, sans rythmique ni vitesse. On peut difficilement s’en remettre à sa pudibonderie tant le film s’émascule tristement, reléguant l’érotisme en un gadget d’ascension sociale ou de chausse-trappe scénaristique. Pas une fois Szabo ne cherche le trouble, jamais il n’anime la chair d’Annette Benning, se contentant de gros plans de son visage épanoui ou de lettres enflammées, regard fermement distancié (quand il n’est pas hors champ) qui laisse la pauvre star se dépatouiller seule. Le cinéaste est davantage emporté par une sensualité d’antiquaire, le film n’étant jamais aussi bon que lorsqu’il se tient droit dans son col amidonné, alignant les plans larges sur les rideaux pourpres du théâtre ou les costumes grandes classes. C’est d’ailleurs Jérémy Irons dans le rôle du mari de Julia, autoproclamé plus bel homme d’Angleterre, qui s’en tire le mieux. L’apparition est fugace mais elle condense ce que sait faire de mieux Itvan Szabo, saisir dans la raideur masculine la majesté du siècle passé.