Nouvelle adaptation d’un conte multi-épisodes avec trame shakespearienne et message écolo. Une gamine d’Oxford file au Pôle Nord à la recherche de ses copains enlevés par la secte des Enfourneurs. Les affreux, mandatés par un gouvernement fascisant, s’adonnent à des expériences médicales pour priver l’accès aux deux mondes. Les gentils militent pour la liberté. Quelques détails en vrac : les humains sont accompagnés d’animaux qui parlent (« les daemons »), la boussole d’or dit toute la vérité rien que la vérité dans un nuage de « Poussière », bidule extra-terrestre qui ouvre l’accès à « l’autre » monde.

Difficile d’entrer dans cette resucée tolkienesque tant elle souffre d’excès d’opportunisme marketing. Univers placardé, martelé à coups de tableaux, d’explications, de pauses narratives, c’est clair, A la croisée des mondes ne file pas droit, lourde vitrine des deux éventuels prochains opus, film qui n’existe jamais pour lui-même. Le cinéma s’y infiltre laborieusement. Outre la narration, il faut se frayer un chemin entre le parc d’attractions et l’imagerie des franchises concurrentes, tâche peu aisée pour les cinéastes Chris Weitz et Anand Tucker, dont on ne peut pas dire que leur esthétique bonbonnière dépoussière le genre.

En grattant le ripolinage, on trouve toutefois quelques os à ronger. En pimbêche glaciale, Nicole Kidman tente un numéro d’autodérision rafraîchissant, et, par là même, pose la question de l’acteur dans ce type de production : instrumentalisé plus qu’ailleurs en pur élément pictural, son existence ne tient justement qu’à se lover dans le cartoon pour en prendre le contrôle. Les séquences de l’actrice sont d’ailleurs plus que révélatrices, comme détournées en virgules narcissiques, presque en marge de l’aventure, avant de la juguler au final en un brusque trauma. Un conflit interne en écho avec le grand sujet du film, combat entre réalistes fascisants (dont Kidman fait partie) et militants du virtuel. Problème : nul n’est à la hauteur de Kidman, sinon un ours numérique vaguement miyazakien.