Palme d’Or au Festival de Cannes 2007, 4 mois, 3 semaines, 2 jours décrit, dans une seule et même coulée, la journée d’une jeune femme qui aide une amie à avorter dans la Roumanie de l’époque Ceausescu. Au fil des événements et des rencontres, c’est toute la société roumaine qui est épinglée, les individus oscillant entre lâcheté et saloperie, petitesse de vue et égoïsme. On ne saurait dénier à Cristian Mungiu une certaine virtuosité dans l’organisation de tous les événements, mais il y a quelque chose d’un peu déplaisant à la longue, à voir ainsi giflée une époque révolue avec ce léger ton réprobateur de celui qui ose dire ce que personne n’osait exposer au grand jour. Qu’il faille faire le deuil d’une époque immonde, pourquoi pas, mais la réelle prise de risque (si tant est qu’on veuille dénoncer les bassesses et lâchetés de ses concitoyens) ne consiste-t-elle pas précisément à parler d’aujourd’hui (comme le fait un Chabrol en France) ?

Dans ses meilleurs moments, le film de Mungiu n’en réussit pas moins à transmettre quelque chose de terrorisant sur la réalité des dictatures, ce sentiment que tout a l’air normal et que, pourtant, mille yeux semblent vous épier. N’ayant pas le recul des moralistes, l’épinglage du réalisateur tourne un peu à vide (tout ça pour quoi ?), tout comme cette forme qui surligne un peu trop ses intentions (le tout premier plan à ce titre est exemplaire). La cruauté des situations qui, chez d’autres (Kiarostami, par exemple), est rendue dans toute sa complexité, devient chez Mungiu un écheveau de grosse ficelles dramatiques (une scène de repas caricaturale, le fameux plan problématique dans la salle de bain) dont la forme sèche et distante cache mal les coups de coudes au spectateur.

Si quelque chose passe néanmoins au delà de ce volontarisme un peu bétassou, le film le doit à sa comédienne principale, Anamaria Marinca (qui fera une apparition dans le prochain Coppola). Présence fatiguée mais solaire dans cet univers désolant, sa grâce naturelle (et presque trop gratuite pour le film) empêche parfois l’ensemble de tomber dans la démonstration de force. Impossible de dire pour le moment si Mungiu est un cinéaste à suivre ou une baudruche qui se dégonflera dès le prochain film. Wait and see