1. Jimmy Corrigan

Chris Ware

Cette magnifique édition a permis au lecteur non-initié de découvrir ce que quelques happy few ramenaient de leurs expéditions aux Etats-Unis ou dans les librairies spécialisées : le meilleur auteur de bande dessinée de ces dix dernières années. Minutie extravagante, relecture lacano-freudienne du père derrière la figure de Superman, hommage insensé aux glorieux oldies (Herriman en tête) de la bande dessinée américaine, Chris Ware réinventelittéralement la bande dessinée.

2. L’Ascension du Haut Mal

David B.

Parce dans le registre de l’autobiographie, il y a toujours un charme supplémentaire lorsque l’auteur confesse la naissance du geste artistique pour parer au drame personnel. Comme le sous-tendent les couvertures, la création et l’imaginaire envahissent la vie du petit David à mesure que progresse la maladie de son frère.
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3. Péplum

Blutch

Chronic’art est snob, n’aime pas la bande dessinée d’aventure. Totalement faux. Péplum démontre brillamment que le souci de l’innovation formelle n’est pas l’apanage de récits intimistes et bavards. Quant à Blutch, que dire, si ce n’est que sous ses faux airs d’étudiants chercheurs en beaux arts il est un petit miracle tombé providentiellement sur la bande dessinée.

4. 20th century boys

Naoki Urasawa

Emblématique de ce que la BD japonaise fait de mieux ces dernières années, le thriller d’anticipation 20th century boys est l’une des séries – déjà récompensée à ce titre au Festival d’Angoulême en 2004 – les plus addictives de la décennie. Ce récit complexe à souhait, aux enjeux planétaires, personnages plus grands que nature et suspense distillé avec une narration hyper maîtrisée, a rendu nombre de rétifs à la BD nippone accros au manga.

5. Journal

Fabrice Neaud

Parce qu’il n’y aura jamais deux Journal, deux Fabrice Neaud, ce genre de hasard n’arrivant pas plus d’une fois par siècle dans un media confiné comme la bande dessinée. Il est au neuvième art ce qu’un Marc-Edouard Nabe est à la Littérature : un être enflammé qui crache sur le consensus, poursuivant sa quête de littérature seul, et contre tous.
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6. David Boring

Dan Clowes

On aurait pu tout aussi bien choisir le délicat Ghost world ou le plus récent et tout aussi sensationnel Ice haven. Mais David Boring incarne finalement le plus idéalement les qualités de Clowes : désenchantement persistant, écriture soyeuse, graphisme faussement inexpressif, David Boring est tout cela à la fois, et plus encore. Un véritable Bildungsroman, où la quête des origines (où est le père ?) renvoie à celle de soi-même.

7. La Ligue des gentlemen extraordinaires

Alan Moore et Kevin O’Neill

Qui a un jour rêvé de voir les grandes figures de la fiction du XIXe siècle réunies dans un cross-over, a vu son fantasme réalisé, avec panache et démesure, par le pape du scénario BD Alan Moore. Allan Quaterman, L’homme invisible, le docteur Jekyll, le Capitaine Nemo et Mina ex-Archer nous prouvent une fois de plus que c’est bien lorsque les héros sont fatigués, qu’ils sont les plus surprenants et touchants. Elémentaire !

8. Helter skelter

Kyôko Okazaki

Auteur inclassable d’oeuvres difficilement saisissables, Kyôko Okazaki a signé avec ce chef-d’oeuvre une apologie destructrice de l’affirmation du moi dans un monde d’apparences. Le pitch prétendument léger et superficiel (une top modèle charcutée se rebelle) est poussé jusqu’à l’extrême – la marque de l’auteur. Au final, on exulte devant cette plongée aux enfers qui oscille entre rose et noir.

9. Léon la Came

Nicolas de Crécy et Sylvain Chomet

Peut-être l’oeuvre la plus emblématique d’une bande dessinée française fantaisiste et créative. L’extraordinaire patte de de Crécy, entre expressionnisme et décharnement façon Jérôme Bosch, et le scénario de Chomet, satire réjouissante contre une société déliquescente, se conjuguent avec bonheur. Depuis, de Crécy est toujours plus grand, et Chomet est passé au cinéma.

10. Black hole

Charles Burns

Facile d’entrevoir dans ce scénario horrifique une parabole sur le sida, mais Burns ne le souhaite clairement pas. Ces références seraient plutôt à chercher dans les thrillers psychologiques 70’s de David Cronenberg, conjugués à une peur obsessionnelle du vagin. Dégénérescence du corps et ambiguïté, deux mots d’ordre sublimement communiqués au lecteur par le biais d’un encrage au contraste violent.