Le tome 4 de « Frank Margerin présente » a pour sujet le dessinateur lui-même. Ce n’est pas une rétrospective, ce n’est pas non plus un passage en revue de ses différentes réalisations, mais une sorte d’autoportrait à travers des illustrations aussi diverses que des pochettes de disques, des faire-part de naissance, des affiches et reproductions de sérigraphies, des témoignages d’amitié qu’il a adressés, des dessins humoristiques destinés à des magazines, etc. En page de garde, on découvre un jeu de l’Oie version Margerin, plus loin ses souvenirs de passionné de motos et de voitures type 2 CV conduites par des vieux routards à qui on ne la raconte pas, par des loulous gominés jusqu’au bout de la banane. Margerin se penche sur ses planches, les commente avec une certaine auto-dérision, livre quelques anecdotes sur la genèse de ses personnages, décrit ses lieux d’inspiration avec une grande tendresse et un grand sens de l’humour. Les plages bondées, les pistes de ski plus larges et plus embouteillées qu’une autoroute un jour de départ en vacances, les courses auto-moto délirantes, les bistrots vieillots où chacun occupe une place bien précise : tout son univers y est retracé.
Et quel univers ! Chaque planche mérite qu’on s’y attarde. Les détails foisonnent : un chat ébouriffé, une chaussette qui pend sur un fil mal tendu dans le jardin, un chien qui reluque le plat de son maître en espérant ramasser un morceau qui déborde de l’assiette, un jeune gars concentré sur la partie de baby. Ce qui est étonnant chez Margerin, c’est qu’on a l’impression qu’il est passé par là, s’est mis dans un coin à l’abri des regards ou a photographié une scène qui s’est déroulée sous ses yeux, et en restitue le moindre détail : et pour cause, toutes ces scènes font partie de son quotidien ou de son enfance.
Il est perfectionniste et rien ne semble laissé au hasard. On ne pourrait déplacer le moindre objet sans avoir l’impression de le trahir. Il maîtrise complètement son époque, sait évoluer avec elle et dispose d’un recul et d’un sens de l’observation tels qu’un dessin de 75 garde la même fraîcheur que les plus récents. Il nous confie que son secret espoir est de passer un bon moment en notre compagnie. Le plaisir qu’il nous procure est largement à la mesure de celui qu’il prend à dessiner.