De supervilains, le lecteur de comics moderne n’en veut plus. Non, formulons autrement. Le lecteur de comics moderne ne comprend plus l’utilité d’un superhéros dont la seule fonction serait le combat d’une némésis. Ainsi, l’équilibre fantastique qui a perduré dans l’industrie des 60’s jusqu’au dernières années du XXe siècle devait choir. Revenir aux origines, surnaturel comme ultime issue aux problèmes du réel, est l’une des réorientations que le mainstream a du opérer afin d’amener le comic book vers un nouvel âge pérenne. N’oublions pas qu’avant de baffer des colosses, le devoir de Superman était de sortir l’Amérique de la grande dépression de 1929.

Dans ce frais catalogue de héros next-gen mais old school en même temps, Ex machina est un avatar intéressant. Traçons son portrait. Désabusé après six mois de voltige costumé, l’altruiste Hundred Mitchell jette le masque et entame une carrière de maire, seule fonction propre, selon lui, à influencer concrètement la communauté. Evidemment, l’investiture condamne le double rôle, et l’utilisation d’aptitudes surnaturelles à des fins publiques. Politique ou héroïque ? Voilà, diablement astucieux, l’axiome central ouvrant la remise en cause de cette mythologie moderne, de Watchmen à Autorithy, où les champions en manque d’alter ego démoniaque s’ingèrent dans le monde politique à coups de regard laser et costumes de masochistes. En toile de fond, septembre 2001, fin des rêves de superpouvoir, où dans cette uchronie une des jumelles était sauvée par devinez qui.

A la polémique soulevée -peut-on mélanger torchons et serviettes, superhéros et latitude politique ?-, le scénariste Brian K. Vaughn répond non ; fermement dès la première page où son héros annonce depuis un préambule proleptique le fiasco de ses quatre ans d’investiture. Dès lors enraciné comme la démonstration de cet inéluctable échec, le récit entame sa critique par les « cent premiers jours » d’investiture (étape cruciale en politique car heure du bilan). Fini les ersatz d’Authorithy, qui agenouillent les présidents sous les applaudissements des lecteurs convaincus d’une audace scénaristique certaine (je vous passe l’artificiel épisode où les Quatre fantastiques découvrent le chômage). Ici l’aphorisme tant prôné par les encapées interventionnistes -dont Ex machina lors des flash-back- « il n’y a pas de mauvaise façon de faire le bien », est publiquement désavoué à la fin de ce premier opus. Vaughn ne perd pas de temps, et déjà en conclusion se cristallise une idée. Certes, les supervilains étaient inutiles. Mais, au demeurant, ils occupaient les superhéros en leur évitant de faire trop de conneries. Il était temps qu’une série ingénieuse le rappelle à notre bon souvenir.