Chilly Gonzales est un juif canadien exilé à Berlin. Comme Tristan Tzara, il utilise l’outrance et le ridicule pour faire table rase du passé, en l’occurrence de la musique : « Fuck Music ! » est un de ses nombreux slogans inutiles. « The worst MC » autoproclamé transforme ses concerts en véritables attentats surréalistes. Il faudrait imaginer les Marx Brothers avec un micro et une groovebox pour s’en faire une idée précise. En 1999, son premier album, Gonzales über alles, avait plus surpris par sa beauté pop et intimiste que par son titre provocateur. Qu’importe, Gonzales veut faire parler de lui.

The Entertainist, deuxième album 100 % hip-hop, dynamite avec brio tous les clichés musicaux du genre, de la old-school à Eminen. « Gonzo isn’t a rapper, he just rap a lot. » Gonzales rappelle que le rap n’est pas une attitude : il suffit de prendre un micro et d’être incontrôlable. Le hip-hop ridiculisé par le plus mauvais des MC ? Si l’on en juge par ces quatorze petites perles bricolo et décalées, la plupart des MC actuels enrobent leur petit savoir-faire vocal sous des couches de productions trompe-l’œil. « Music is cheap so mine shall be. » La sophistication est inutile, les beats sont durs, electro, un mélange improbable des Residents (The Name they gave me) et de Run-DMC : un retour à l’essence punk du hip-hop. Les Beasties Boys devraient s’en souvenir.

The Entertainist est une critique « situationniste » de l’industrie musicale. Le succès est froidement décrit comme une habile manipulation médiatique dans Higher than you : Gonzales y dévoile son plan marketing. Dans Candy, le business se résume à un deal de coke caricatural pour une rock star absente et une histoire de cul incohérente entre Gonzo et une label mix nymphomane. Au-delà de cette satire féroce, The Entertainist a le charme étrange des vieux cabarets ambulants et des freak shows chers à Tod Browning. MC Gonzo est le digne héritier de cette tradition bancale et minimaliste. Le jew-freak, « hairy, scary and wild », est une curiosité, une attraction foraine moderne, avec sa chaîne en or, son survêtement Emmaüs et sa coupe « Kramer » (Seinfeld).