Avant X-Files et Twin Peaks, au phénomène pop culturel pré-millénaire majeur, Scream de réapparaître, transposé en série TV, bien conscient que c’est désormais ici, plus que sur grand écran, que se racontent les histoires. A hauteur de fiction, la saga de Wes Craven et de Kevin Williamson a révolutionné le genre slasher en s’imposant comme une modalité de récit, à la fois auto-réflexive et pionnière de la culture geek. Seulement voilà, depuis son 4ème et ultime volet en forme de jubilé un peu vain, du sang a coulé sous les ponts. Du féministe Tous les les garçons aiment Mandy Lane aux ingénieux et poilant Tucker & Dale VS Evil, La cabane dans les bois ou encore le mésestimé My soul to take, le film d’horreur “meta” a progressé dans la réflexion et le détournement des codes du genre. En 2015, que reste-t-il donc à Scream hormis les lauriers fânés d’une place historique et son masque laiteux edvard munchien ? Surtout, constitue-t-il un matériau fécond pour une teen série ?

Dès son ouverture hommage à la scène du meurtre au téléphone de Drew Barrymore, actualisée à coup d’inserts YouTube, on sent la volonté maladroite mais touchante de raviver l’idée originelle de la saga. Dans la petite ville de Lakewood, la rich bitch du lycée se fait salement dézinguer après le partage en ligne d’une vidéo d’intimité volée entre élèves bi-curieuses. Un groupe d’amis proches de la victime commence à faire le lien entre ce meurtre et ceux commis il y a 20 ans par Brandon James, lycéen maltraité et mythe urbain local. Malgré une mise à jour des stéréotypes (moins évidents, plus bâtards – les comédies teen  d’Apatow sont passées par là), on retrouve peu ou proue l’hypersexuelle, la fille sensible, le beau ténébreux qui-vient-d’arriver-en-ville, la girl next door accro à Game of Thrones, les sportifs un peu machos concons, la marginale bi et, évidemment, le nerd. Bien dans son rôle de choeur antique, celui-ci prévient qu’un slasher en série TV, ça ne fonctionne pas, il faut que le soleil se lève sur l’unique survivante en 90 minutes. Avant de décréter quelques séquences plus tard qu’il faut faire oublier qu’on est dans un récit d’horreur pour que le spectateur se préoccuppe du prof qui flirte avec une éléve, de la première de la classe qui sort avec le footeux, etc… Comprendre, troquer la cadence rythmique du massacre contre l’empathie développée grâce à l’étalement du récit sur un paquet d’heures.

Etrange aveu in contexto pour une formule dont justement l’usage des stéréotypes empêche ou ralentit grandement le processus d’attachement aux personnages. Si quelques préoccupations sociétales juvéniles très actuelles (la réputation en ligne, le harcèlement, la souffrance narcissique par exemple…) se voient traitées assez correctement, on est loin de la galerie de portraits complexes, riches d’une série comme Skin. A un autre niveau, sans être relégué à un usage scénaristique purement cosmétique, la sociabilité nomade dans l’interaction des protagonistes ne fait pas non plus ici l’objet d’une réflexion bouleversante ou d’un ludisme malin. A chaque épisode son flot de notifications SMS et Messenger comme pour vainement souligner l’actualité du propos sans jamais vraiment l’éprouver. Un écueil d’autant plus accablant si on considère que chaque épisode ciné simulait symboliquement, à coup de mises en abyme, un partage viral et un forward de l’épisode précédent, et ce bien avant la toute puissance des réseaux sociaux.

A la vue de ces 3 premiers épisodes, Scream dit la messe plus qu’elle ne réalise de miracles et rate de justesse l’essentiel de sa promesse de série d’horreur auto-consciente non seulement de son genre mais aussi de son format. Sa réussite ? Elle capitalise sans peine sur l’héritage de sa lignée patronymique (ados sexy, smartphones, meurtre et pop culture) pour livrer un thriller pop-corn honnête et rafraîchissant qui avance les pions de son intrigue sanglante à un rythme maîtrisé. Yep this is Thriller, Thriller at night.