Après ses magnifiques Carnets de voyages, édités chez Gallimard, les photographies de Titouan Lamazou nous accueillent avec la puissance de l’appel du large. A l’entrée, toutes voiles dehors, les « batô’’ de Haïti nous offrent le souffle de la liberté. Nous sommes au laboratoire IMAGINOIR, quelque part dans le sud de Paris. Différentes étapes ponctuent ce périple. Des rivages tropicaux, haïtiens et tahitiens, aux villes d’Afrique de l’Ouest aux noms évocateurs -Tombouctou, Ségou, Bamako…-, de l’arbre sacré des Bambara aux rituels vaudous du Bénin, Titouan Lamazou nous invite à la découverte des multiples visages du Sud… ces Suds dont il nous révèle la magie. En mariant la photographie à l’aquarelle, l’artiste se joue des genres et défie toute tentative de classification. Il nous parle de la rencontre, bien au-delà d’un quelconque discours technique. Le sujet humain capture en effet l’attention dans chacune des photographies proposées. Titouan Lamazou masque souvent le fond à l’aquarelle, blanche, dont seul le personnage émerge, dans toute sa singularité. Et si de rares photographies n’ont pour décor que d’apparents paysages, l’invisible présence humaine nous confronte immanquablement aux visages en filigrane qui se devinent hors champ.

La douceur du grain et la qualité des tirages nous plongent dans un univers de tendresse et de poésie. La plupart des images -noir et blanc au format 18 x 24- sont exposées telles quelles, sans cadres ni sous-verre, effaçant ainsi les frontières du lointain. Mais aucun noir ne parvient réellement à trancher avec son contraire. L’atmosphère se confond avec celles de nos rêves et ajoute encore à l’émotion du voyage, de ce voyage dont Titouan Lamazou nous parle de façon si évidente, comme d’une découverte enchanteresse de la réalité. Equilibriste dans le monde, il refuse la prouesse et laisse ses humeurs le guider : virages sépia ou bleu, surimposition, surimpression, transformation de l’image photographique en illustration aquarelliste, son œuvre photographique apparaît comme un véritable laboratoire du possible. Titouan Lamazou joue alternativement de l’unique et de l’accumulation, et certaines de ses rares épreuves couleurs ressemblent davantage à un happening façon Land Art qu’à l’idée communément répandue de photo de voyage.
La subjectivité prime, et pourtant, c’est sa force qui nous rend si proche de ce regard. Derrière l’artiste, Titouan Lamazou se révèle passionnément amoureux de la vie.