Total Control n’a pas sorti l’album de l’année, et c’est en soi une déception. Les attentes provoquées par Henge Beat (2011) étaient sans doute énormes, mais on sentait ce super-groupe de Melbourne, qui n’existe qu’en studio (pas de vidéos, pas de tournées), suffisamment armé pour les satisfaire. Les membres viennent tous de formations qui ne se ressemblent pas (UV Race, Straightjacket Nation, Ooga Booga, Lace Curtain…), et Total Control est à l’image de cet éclectisme : sans étiquette précise. Si le premier album ratissait large, de la pop Kraftwerk (The Hammer) à l’électro-noise tendance Suicide (See More Glass) en passant par la ritournelle psyché obsédante (l’inoubliable Carpet Rash), il avait le charme du premier effort, bordélique, fourre-tout, collection d’influences qui ne se mélangent pas mais se juxtaposent. Mais peut-on faire de ce procédé une recette ? Et n’était-on pas en droit d’attendre quelque chose de plus élaboré, de plus syncrétique, pour ce deuxième album ? Quelque chose qui définisse un « son » Total Control, plutôt qu’une seconde démonstration de cet (indéniable) talent d’imitateur ?

Le morceau Fresh War, diffusé il y a quelques mois, était pourtant prometteur : las, il ne sera que le meilleur de l’album. Précis parfait de synth-pop aux accents de Joy Division, il laisse transpirer une émotion bien réelle, glacée mais venue du fond des tripes, qui faisait de Dan Stewart et sa bande autre chose qu’une bande de geeks perfectionnistes. Mais l’écoute de l’album a douché nos espoirs : il s’agit encore d’un catalogue de genres, où chacun semble y aller de son petit morceau, comme une pièce rapportée des autres formations, ajoutée à l’ensemble sans plan précis. Pire, on a souvent l’impression que Total Control fait dans l’esbroufe, le morceau de bravoure, en allant s’aventurer dans des genres neufs pour montrer qu’il les maîtrise aussi, tel ce  Glass d’ouverture, comme un Depeche Mode de 1981 revisité par DFA. Soyons clair : c’est extrêmement bien fait. Mais cela sent aussi, énormément, le calcul.

Si l’album n’a aucune cohérence, il faut donc le considérer pour ce qu’il est : un agrégat de morceaux autosuffisants, une playlist d’ipod. Et là, évidemment, le groupe s’en sort mieux : outre les (excellents) titres déjà cités, on mentionnera le post-punk efficace de Expensive Dog, le pop-punk Ramonesque de Systematic Fuck, ou le « beat à la Neu! » de Black Spring – toutes choses assez classiques en 2014, cela dit. Rien de 100% génial donc, puisque, outre un intrumental mollasson et inutile (The Ferryman), le groupe flirte aussi dangereusement avec le ridicule, à deux reprises : lors d’un solo de sax sur Liberal Party, et sur Safety Net tout du long. L’album finit globalement assez mal, et sent très fort la panne d’inspiration. Loin de la claque attendue, ce disque dont il était dit que nous l’écouterions jusqu’à la fin de l’année, risque finalement d’être oublié assez vite… Pas grave, on n’a pas eu le temps, en trois ans, de se lasser de Henge Beat. Et si on se remettait un petit coup de Carpet Rash ?