Pour beaucoup, Roland Kirk n’est qu’une image d’Epinal. Un aveugle « funky » au nom ésotérique (Raahsan) qui enfournait trois cuivres dans sa bouche. Mais il était bien plus que cela. C’était un musicien hors du commun doué d’une technique rare (triple accroche des notes), d’une sonorité superbe sur tous les instruments et d’un souffle impressionnant laissant deviner une paire de poumons supplémentaire (1’20’’ d’apnée musicale sur Many blessings). Enfin c’était un poète, un vrai, qui adressait à l’humanité entière son ode à l’amour et à la beauté. Un chant universel résonnant de toutes les voix (du sax ténor au stritch) et sur tous les tons (blues, free, swing, ballade…), où les mélodies les plus simples tournent et se retournent pour mener à l’ivresse et emporter dans un tourbillon d’amour le genre humain. Enfant, homme et femme parlent d’une même voix sur The inflated tear le morceau phare de l’album, pour nous conter cette utopie merveilleuse du bonheur. A la fois facile d’accès et incroyablement riche, ce disque s’adresse à tous -connaisseurs ou néophytes- qui y découvriront un chercheur de sons infatigable doublé d’un saxophoniste ténor de premier plan et triplé d’un flûtiste somptueux n’ayant rien à envier à Dolphy. Mais ils y découvriront surtout une source de beauté intarissable. Cette beauté invisible pour beaucoup, Roland Kirk-l’aveugle la voyait partout et en pleurait des « larmes gonflées », ciselées comme des diamants.

1) The black and crazy blues – 2) A laugh for Rory – 3) Many blessings – 4) Fingers in the wind – 5) The inflated tear – 6) The creole love call (Duke Ellington) – 7) A handful of fives 8) Fly by night – 9) Lovellevelliloqui – 10) I’m glad there is you (Jimmy Dorsey et Paul Mertz). Compositions de Roland Kirk sauf mention contraire

Roland Kirk (ts, cl, fl, manzello, stritch, whistle, English horn or flexafone), Ron Burton (p), Steve Novosel (b), Jimmy Hopps (d), et Dick Griffith (tb) on « Fly By Night »
Enregistré les 27 et 30/11/1967 à New York