Après Architectures (1998), Avanti (2001) et Air (2003), ce quatrième album confirme et affermit la voie que s’est choisie le plus italien des pianistes parisiens : celle d’une musique généreuse et lyrique qui donne la primeur à la mélodie, sans se soucier (à raison) outre mesure des reproches qu’on a pu lui adresser par le passé. Avanti, par exemple, son recueil d’interprétations solo de chants révolutionnaires, avait été très diversement accueilli par la critique ; si les uns s’enthousiasmaient pour la sincérité fiévreuse et enjouée de sa relecture du Chant des partisans ou du très solennel Plaine, ma plaine, les autres faisaient la fine bouche devant une manière de lyrisme qui confinait parfois à la mièvrerie et devant un goût pour la belle ritournelle qui, parfois, pouvait pousser le pianiste vers l’ânonnement, l’emphase et le simplisme, au détriment de la richesse et, pour le dire franchement, du bon goût. Sans compter ceux pour qui la seule manière de restituer la dimension révolutionnaire (c’est-à-dire politique) des thèmes choisis aurait été de révolutionner aussi la manière de les jouer, mais c’est un autre problème. Reste qu’il n’en fallait pas moins une sacrée audace pour se lancer ainsi, à trente ans à peine, à l’assaut de ces monuments symboliquement surchargés, seul devant un piano dont, avec le recul, on persiste pour notre part à penser qu’il en a tiré des choses tout à fait sublimes. Mirabassi a quoi qu’il en soit continué sa route et assumé ses choix, ce qu’il aurait eu bien tort de ne pas faire si l’on en juge par la splendeur de ce Prima o poi : entouré de Gildas Boclé (batterie), Louis Moutin (contrebasse) et Flavio Boltro (trompette), il porte à son paroxysme cette propension à faire sonner et résonner une mélodie en lui donnant toute sa chair, conférant à chacun des morceaux ici interprétés un éclat proprement irrésistible. On retrouve l’influence des grands pianistes au son desquels il s’est formé l’oreille (Jarrett et Corea), la trace des mélodies italiennes dans lesquelles il a baigné, l’héritage du bop et l’attrait du romantisme. Mirabassi ne révolutionne rien, et ça n’est de toutes façons pas ce qu’on lui demande : il se contente de faire exploser les couleurs de mélodies parfaitement entêtantes et de se faire le serviteur dévoué et charismatique du chant, dans toute sa simplicité. Un album qui devrait plaire à tout le monde, et c’est un compliment.