Les premières compositions du trompettiste italien datent de l’époque où, résident new-yorkais, il côtoie l’avant-garde free : il travaille avec Roswell Rudd, Bill Dixon, Mike Mantler et Carla Bley (participant à l’enregistrement du fameux Escalator over the hill) puis dirige à partir de 1972 un quartette sans piano (au sein duquel on entendra notamment John Abercrombie, Calvin Hill, Jack DeJohnette ou Herb Bushler). Ce sont néanmoins des thèmes éloignés de l’esthétique de la free-music que l’on peut écouter dans cette rétrospective personnelle de vingt-six années d’écriture, avec treize morceaux interprétés par le trompettiste en compagnie du jeune pianiste Stefano Bollani (l’une de ses récentes « découvertes » pour citer le texte de pochette), dont il faut saluer la simplicité impressionniste du jeu. On y retrouve tout le lyrisme charnel, le remarquable sens de la mélodie et du chant qui caractérisent cet univers musical subtil, enrichi au cours des années (on regrettera d’ailleurs que les sélections n’aient pas été enregistrées dans leur ordre chronologique de composition) et plongeant ses racines dans la tradition italienne.

Comme le souligne Paolo Piangiarelli, producteur de la session, ce songbook est devenu un « classique », à l’instar (écrit-il) de ceux des Gershwin, Golson, Porter et autres ; un répertoire si riche et varié que c’est au travers d’une trilogie qu’il entend lui rendre hommage. A ce splendide duo devraient ainsi succéder un album réalisé par le jeune saxophoniste et clarinettiste Javier Girotto puis un troisième et dernier épisode réunissant quelques-uns des plus grands noms du jazz transalpin (sont cités Trovesi, Fresu, Boltro, Casini, D’Andrea…). En attendant la suite du « Plays Rava Project », on se laisse doucement porter par le son de la trompette d’Enrico Rava tout au long de ce retour poétique vers lui-même, plongée introspective dans un répertoire d’une beauté singulière.