C’est à une folle et riche (pour ses enseignements historiques, pour la culture, religieuse notamment, que possède son auteur) aventure à laquelle nous convie Joseph Macé-Scaron : le voyage initiatique du marchand d’art Simon Lagide, parti recherché un tableau, puis une icône, et enfin un manuscrit à travers plusieurs villes de la vieille Europe. Dans un monde sous l’emprise de puissances maléfiques, où « le réel adhère à l’irréel », sa quête fantastique -et poétique- prend des allures de thriller métaphysique. Rapidement opposé à son employeur, le milliardaire terrible Karl Bartels-Bauman (« l’homme qui dispose de suffisamment d’argent pour ne plus avoir besoin d’un nom »), mais pris dans des événements auxquels il ne peut résister, Simon poursuit (au moins autant qu’on le poursuit) son chemin vers la Vérité.
Car qui se trouve réellement au centre de cette « manipulation » ? Qui s’affronte à qui dans ces pages écrites avec l’élégance d’un épéiste, et ponctuées de rencontres derrière lesquelles se dessine le destin des peuples. Ainsi en est-il de la centrale Allemagne et de « ces âmes germaniques (qui) s’abandonnent à n’importe quel espoir de triomphe qui leur assure l’enthousiasme, l’effusion et la soif de conquête ». On comprend mieux dès lors la métaphore et l’importance du duel dans une Europe qui tire si peu profit des enseignements de son Histoire, maintenant qu’elle s’est résolument tournée vers un avenir où la tradition est évacuée.
« L’infini, écrit l’auteur, ne peut pas trouver sa place dans du fini ». C’est pourtant une place de choix que lui réserve Joseph Macé-Scaron dans son roman. De même, il pourrait se placer, pour le jeu qu’il entretient tout au long de son récit, sous l’égide de Schiller, qui savait que « l’homme ne joue que là où dans la pleine acceptation de ce mot il est homme, et il n’est tout à fait homme que là où il joue ». Car du début de l’intrigue jusqu’au jour du Jugement -qui intervient lors du dévoilement de la société secrète qu’il met en scène-, épilogue de cette grande histoire, l’auteur aura éclairé nos consciences prisonnières des temps obscurs que nous vivons.