Icône contre-culturelle des années 60, Hunter S. Thompson n’a aucun rival en matière de gonzo journalisme, méthode où la fiction se mêle à la réalité la plus dure. Son penchant pour la bouteille, les stimulants et « autres carburateurs flingués », ajouté à un esprit plutôt antisocial (chambres d’hôtels saccagées, insultes à tout va, la police et les stups à ses trousses, etc.), lui permirent de créer une œuvre à nul autre pareil. De cette instabilité chronique naîtra notamment Las Vegas parano, authentique chef-d’œuvre d’ultra-sensibilité, récit déjanté de deux hommes en proie à des crises incessantes de paranoïa aiguès (de lucidité diraient simplement certains). Une voiture poussée à fond sur les routes qui mènent à cette cité de perdition, une vie ponctuée de shoots et de sniffs d’éther provoquant d’innombrables hallucinations. Sur un rythme syncopé, c’est à une véritable danse avec la mort que nous convie l’auteur. Une mort constamment différée (et dont il réchappa miraculeusement), vécue seconde par seconde, et en parfaite adéquation avec l’instant. Une saga qui prendra fin comme elle avait débutée… sur la route.
La méthode paranoïaque critique venait d’être, après Dali notamment, appliquée avec brio sur fond de fin de rêve américain. L’Amérique ne s’en est jamais remise. Nous non plus.