Le seul intérêt de ces 13 nouvelles est de nous donner un bref aperçu de mauvaise littérature policière sous la plume d’un spécialiste du genre. C’est un peu faible pour justifier un recueil. On est d’ailleurs surpris de lire, en fin de volume et en exergue de la note d’intention de l’éditeur, cette remarque de Paul Léautaud :  » tout livre qu’un autre que son auteur aurait pu écrire est bon à mettre au panier « . C’est précisément ce qui nous vient à la lecture des nouvelles du Sang sur le trottoir : trente autres débutants en romans noirs auraient pu les écrire, et dix d’entre eux s’en seraient certainement mieux sortis qu’Ed McBain.
Ce sont là les débuts peu remarquables de l’auteur des Chroniques du 87e District, dans un genre (la nouvelle) qui n’est visiblement pas son terrain de prédilection. Les inconditionnels se risqueront à en lire quelques-unes, mais elles n’ont rien de poignant, sont délibérément violentes et souvent privées de tout suspense. Un jeune garçon perd son sang dans une rue anonyme. Un acteur déchu liquide le directeur d’un grand magasin et se fond dans la foule en habits de Père Noèl. Un psychologue fait subir un test à un patient nerveux et tripote un coupe-papier qui tout naturellement finit entre ses omoplates. C’est simple, sans mystère et assez ennuyeux.
Celui qui n’est pas encore Ed McBain (la plupart de ces nouvelles sont signées Evan Hunter) fait ici ses premières armes dans le « police procedural », un genre qui met en scène les routines des procédures policières et s’affiche en contrepoint des « crimes » britanniques où vieilles dames et excentriques en tweed résolvent des énigmes sans queue ni tête. Il n’empêche : la facture tristement accrocheuse de la couverture et les promesses en postface n’y changent rien. On est juste dans une mauvaise série B.