Disons-le d’emblée, l’intérêt de Palavas la blanche réside moins dans sa narration que dans l’atmosphère dépeinte : on le referme en gardant des images en tête, des photos jaunies aux bordures côtelées comme des timbres postes. Celle du Kairouan par exemple, bateau sortant du port d’Alger en 1962, ou celle d’un appartement dans le sud de la France. Ou celle, encore, d’une salle de torture de l’O.A.S. cachée dans la cave d’une maison algéroise. Si Palavas la blanche avait été un film, il aurait eu une teinte un peu jaune, une teinte en demi-teinte, pas très franche mais agréable et assez douce finalement. L’histoire est ténue mais n’exagérons rien ; en se concentrant un peu, on parvient à en retrouver le fil. Une mère et ses trois enfants quittent l’Algérie pour Palavas-les-flots, laissant derrière eux Jean-Louis, le père de famille, qui se bat pour l’Algérie Française. L’aîné des enfants, débile léger, se débat dans un corps qui ne lui obéit pas et auquel il ne comprend rien. La seconde, adolescente remuante et dure, est travaillée par ses hormones au-delà du raisonnable. Le petit dernier enfin, devenu muet après avoir assisté à la fusillade de la terrasse du Celtique, est bien entendu adorable, plongé dans ses rêves d’enfant, l’envie de revoir son père et de devenir un homme, un vrai, qui tabasse ses camarades trop blonds et saute en parachute au dessus d’Alger. A Palavas devenue blanche (sans doute pour se souvenir d’Alger), comment se sentir chez soi ? « Là bas on était des Français, ici on est des arabes ». Cette famille exilée est accueillie par Louis, le grand-père paternel, et tente de s’insérer dans une nouvelle vie.

L’intégration dans la communauté est bien entendu difficile, mais Christophe Léon semble s’ennuyer lorsqu’il en parle. Ce qui l’intéresse (et du coup, nous avec), ce sont les tableaux qu’il brosse, les portraits qu’il peint de cette famille et dont certains font mouche. Quelques passages sont vraiment originaux, comme ce moment surréaliste où des soldats de l’armée française venus chercher Jean-Louis tombent sur sa fille qui joue devant eux une sorte de danse du ventre, à tel point qu’on finit par se demander qui viole qui. Cette scène, transformé par le regard du petit garçon qui y assiste, est à la fois grave et drôle. Jean-Louis, le père, en fait partie bien qu’il soit absent : à travers une photo de lui tombée par terre, son fils imagine qu’il est là. L’idée du souvenir est présente tout au long du livre. On est rarement dans l’action même s’il se passe quelque chose, et il n’y a pas de vrai suspens. C’est sans doute dû au parti pris de l’auteur : raconter les faits à travers le regard d’un enfant, ce qui donne de la légèreté aux épisodes les plus durs. Parfois, pourtant, on est fatigué par la tendresse obligatoire, celle qu’on a déjà vue ailleurs sur le mode de : ah comme c’était bien quand mamie préparait des confitures sur sa cuisinière en fonte, on ne se doutait pas du malheur qui allait nous tomber dessus… Il y a pourtant des personnages, un contexte, de la matière. Et des idées.