Auteur d’un film sur la scène rock de Seattle intitulé Hype, Doug Pray poursuit avec Scratch dans la veine du documentaire musical, avec cette fois pour sujet les débuts du hip-hop et l’âge d’or des DJs. C’est en néophyte que Pray a abordé cette musique, sans avoir d’attirance particulière pour la technique du « scratch ». Le frottement du vinyle et le breakbeat produit à partir d’un rythme savamment choisi est l’unique sujet du film, dont l’originalité est de se garder de sortir du seul domaine musical pour aborder les questions sociales auxquelles on relie facilement le mouvement hip-hop. Ici, il ne s’agit que de musique, de technique, de goût et d’initiation.

Car loin de l’image du rapper de Harlem flânant dans les rue ou flirtant avec les gangs, les intervenants de Scratch sont des DJs ayant pour principale compagnie leur platine, reclus dans leur chambre exiguë, vivant parfois encore chez leurs parents, assez déconnectés de la mouvance culturelle du hip-hop. Véritables avant-gardistes, grands récupérateurs et novateurs, les DJs sont pourtant passés au second plan, détrônés par les MCs de tout poil. Scratch, à travers une multitude d’interviews, leur rend un hommage nostalgique. Après une brève histoire, remontant aux années 70, l’âge des pionniers comme Grand Wizzard Theodore et Jazzy Jay, on pénètre l’univers extrêmement codé des DJs. Tout y est question de performances et de rivalités, chaque représentation publique prenant la forme d’une compétition.

Mais les moments les plus fructueux sont ceux où les stars incontestées du scratch (ici le DJ Qbert et Mix Master Mike des Beastie Boys) livrent leurs secrets, permettant de mesurer la créativité, la liberté et l’humour nécessaires pour devenir un grand scratcher. Scratch, à cet égard, se libère difficilement de cette volonté de légitimer à nouveau l’art du DJ, et d’en faire l’apologie, jusqu’à introduire des effets de montage « scratchant » l’image. Pourtant, la technique reste fascinante, comme une musique entièrement retravaillée et réinventée grâce à l’objet qui devait être un simple support, le disque. Les étourdissantes démonstrations, en gros plans, montrent bien qu’il y a là comme un retour au geste premier de la musique, à un génie oublié : celui qui crée l’instrument.