En langage scientifique, on appelle imago la forme adulte de l’insecte, achevée seulement après la mue. Si le long métrage de Marie Vermillard s’inscrit sous le signe de l’entomologie (un univers métaphorique un peu usagé), c’est pour évoquer la lente transformation de Paul, un prof de math qui, après un accident de voiture, semble avoir perdu toute forme de sentiment. Indifférent à sa femme Marianne, et à sa maîtresse Luisa, Paul reprend sa place dans la vie comme un étranger, et devra peu à peu réapprendre à voir les autres et leur souffrance. Tandis que Marianne met au point de multiples stratagèmes pour sauver son couple (simuler une panne de voiture en pleine campagne, visiter leur ancien appartement et ligoter le propriétaire pour y faire l’amour « comme avant ») , Luisa s’enfonce dans un profond désespoir amoureux.

Marie Vermillard et son co-scénariste Joël Brisse -dont on retrouve, par bribes, l’univers insolite et poétique- ont cherché à épurer cette histoire de toute psychologie conventionnelle, à se maintenir dans l’observation concrète de la vie de ce couple hémiplégique. Pourtant, il s’agit aussi d’un film abstrait, qui spécule volontiers sur les symboles et les métaphores. Ainsi, après une scène énigmatique où les deux héros contemplent à travers une vitre les eaux boueuses du fleuve, Marianne s’exclame : « je suis comme un poisson dans cette eau opaque, qui attend de mourir pour remonter à la surface ». Hum… L’intérêt d’un plan de cinéma n’est-il pas de pouvoir dispenser le spectateur de ces explications de texte ? C’est un détail révélateur, qui montre qu’il y a dans Imago deux registres qui ont du mal à se rejoindre, à collaborer à l’intérieur du film. Il y a la chronique d’une renaissance à l’amour qui pouvait devenir une fable moderne sur le couple -de loin l’aspect le plus intéressant. Mais aussi son pendant symbolique, sorte d’extension métaphysique de l’histoire qui, à force de signaler aussi lourdement (des gros plans sur un hanneton qui viennent ponctuer les scènes entre Paul et Marianne !) perturbe sérieusement l’appréciation de l’histoire.

C’est bien dommage, car quelques scènes, partant d’un principe très anecdotique (une virée en Auvergne, et une halte au garage après avoir poussé la voiture), parviennent à étirer les temps morts et à faire sentir tous les non-dits de manière singulière. Et cette fin émouvante, qui doit beaucoup à la vivacité fragile de Nathalie Richard, est d’une authentique originalité. Dommage que Marie Vermillard n’ait pas su raccourcir son film, pour en préserver l’essentiel sans lui coller ces pesanteurs bien vaniteuses de film d’auteur franchouillard. Sans doute son cinéma devra-t-il muer, lui aussi, pour atteindre sa forme adulte, que l’on juge prometteuse.