La fée hormone peut parfois se montrer impitoyable. Preuve en est Lila (Patricia Arquette) qui, au lieu de l’habituel paquet de boutons d’acné, s’est vu livrer un colis bien plus encombrant : un système pileux hyper-développé. L’une ressemble à un singe, l’autre, Puff (Rhys Ifans), un homo sapiens pas plus velu qu’un autre, se prend pour un chimpanzé. Une femme à poils, un bon sauvage, les présentations sont faites, tout du moins en partie car manquent à l’appel, Nathan (Tim Robbins), une sorte de Nadine de Rothschild de laboratoire qui s’escrime à enseigner les bonnes manières à des souris et Gabrielle (Miranda Otto), sa délicieuse assistante affublée d’un excellent accent frenchie. Avec un tel quatuor, Human nature ne pouvait qu’être délirant et effectivement ça faisait longtemps que l’on n’avait eu l’occasion de voir une comédie aussi drôle et inventive. En tout cas pas depuis la fin de l’année dernière, date de sortie du film de Spike Jonze, Dans la peau de John Malkovich.

Rien d’étonnant à ça, derrière les deux films se cache le même homme : le scénariste Charlie Kaufman. Deux longs métrages auront suffi pour que la Kaufman’s touch fasse ses preuves : une idée de départ assez banale mais superbement exploitée dans la moindre de ses ramifications grâce à une imagination fertile et apparemment inépuisable. Ces variations infinies sur un même thème -ici l’éternel conflit entre nature et culture- convoquent et font se télescoper des dizaines d’idées à la minute : les ravages de l’éducation, la part de l’inné et de l’acquis, l’injustice des apparences, les diktats des canons de beauté… Un scénario à ce point brillant ne peut que faire de l’ombre au réalisateur, aussi talentueux qu’il soit. Michel Gondry se fait donc discret et c’est tout le bien qu’on pouvait souhaiter à un ex-clippeur réalisant son premier long métrage.

Mais qui dit humble ne dit pas effacé. Gondry importe discrètement son univers dans celui de Kaufman. Et son « syncrétisme » visuel -un mélange de prises de vue en studio et en décors naturels- nous émerveille toujours autant. On ne peut s’empêcher d’être légèrement désappointé par tant de sagesse de la part d’un réalisateur surdoué mais dans le même temps, on admire ce refus d’une trop facile virtuosité. Il faut parfois tendre l’oeil, Gondry ne s’impose pas totalement dans un film qui appartient surtout à son scénariste, mais les acteurs sont excellents -Patricia Arquette avec ou sans poils, Rhys Ifans avec ou sans habits- et peu importe l’auteur pourvu qu’on ait l’ivresse…