Dick et Jane. Un couple d’américains moyens se trouve soudainement propulsé au sommet de la réussite sociale lorsqu’on propose à Dick un poste important au sein de son entreprise. Bonheur de courte durée puisqu’il s’agit de lui faire porter le chapeau d’une opération frauduleuse. Du jour au lendemain, Dick et Jane se retrouvent sur la paille. Incapables d’assumer leur nouveau train de vie, ils décident d’envisager une solution radicale. Remake d’un film de 1977 avec Jane Fonda et George Segal, Braqueurs amateurs (Fun with Dick and Jane) est l’une de ces demi réussites qui n’en témoignent pas moins d’une vitalité de la comédie américaine, en tout cas en ce qui concerne sa tendance réaliste et moraliste dont 40 ans, toujours puceau, Serial noceur et le trop méconnu Anchorman, la légende de Roy Burgundy sont les récents et plus éclatants fers de lance. Judd Apatow, réalisateur de 40 ans…et producteur de Anchorman est d’ailleurs le co-auteur du scénario de ces Braqueurs amateurs. Pas un hasard, donc, si le script se révèle brillant et enlevé, jusque dans les situations les plus délirantes.

Quelque chose de la violence sociale passe dans ce traité moraliste autour des valeurs de l’argent, de la réussite, de tout ce qui incarne un american dream un rien conformiste (maison, piscine, pelouse, voiture sont les idéals accessoires du rêve). Le revers du rêve, la doublure de l’Amérique, ce sont les ouvriers latinos que Dick est amené à côtoyer lorsqu’il cherche du travail. Les situations de misère ont beau être traitées sur un mode potache, il se dégage une certaine crudité dans cette façon de montrer les vérités peu reluisantes d’un pays dominant. Pas si courant dans une comédie, de sentir comme ici ce que peut être un peuple, avec ses multiples fractures. D’autant que le genre comique se donne au risque de désamorcer la critique sociale par le loufoque. Pourtant, le film patine un peu, la faute à la mise en scène passe partout de Dean Parisot (plus inspiré lorsqu’il réalisait Galaxy quest), même si quelques bonnes idées émaillent les scènes, comme celle où Dick est obligé de parcourir une improbable distance pour serrer la main à l’un de ses patrons.

Mais paradoxalement, si le film ne convainc pas tout à fait, c’est surtout à cause de Jim Carrey, qui ne semble jouer que pour lui, en total porte-à-faux avec les autres comédiens comme Téa Leoni (qui excelle depuis longtemps dans le registre comique), le très bon Richard Jenkins (aperçu chez les Farrelly) ou l’impérial Alec Baldwin. Là où les autres, sans renoncer à une certaine truculence, se mettent au service de l’intrigue, Jim Carrey joue comme s’il se trouvait dans Dumb and Dumber ou Fous d’Irène, films fondés sur des situations et des personnages extravagants sans commune mesure avec ceux de Braqueurs amateurs. C’est toujours un peu agaçant de voir un comédien faire son show sans se soucier de la nature du film, ni des acteurs qui l’entourent, ni même du personnage qu’il incarne. Là où certaines situations limites demandaient de la mettre en sourdine, Carrey en rajoute par ses incessantes clowneries, ruinant la logique de certaines scènes qui du coup perdent leur caractère frondeur et violemment critique.