Depuis le succès international de la série norvégienne Forbrydelsen (The Killing), le polar froid avec une bonne dose de réalisme a le vent en poupe sur le petit écran. Et s’il peut s’ouvrir par la disparition ou la mort choquante d’un enfant, c’est encore mieux. En témoignent des réussites comme Broadchurch ou Top of the Lake, deux séries aux tons très différents, mais deux polars avec un fil rouge commun : une enquête policière fastidieuse sur la perte d’un enfant. Il en va de même pour The Missing, nouvelle coproduction anglo-américaine écrite par les frères british Harry et Jack Williams. Surprise : The Missing a aussi la particularité de prendre pour toile de fond un village fictif du Nord de la France, Châlons du bois, lieu de vacances d’un couple anglais pendant la Coupe du Monde. Le 1er juillet 2006, alors que la France célèbre sa victoire face au Brésil en quart de finale, le jeune fils de Tony et Emily Hughes s’évapore. L’enquête se met rapidement en place, et les médias ne tardent pas à débarquer dans le village. Un pédophile connu des services de police est suspecté…

La relative originalité de la série réside dans le choix d’un récit non-linéaire. L’intrigue débute de nos jours, alors que le père revient sur les lieux du drame avec un nouvel élément qui pourrait relancer les investigations. Le récit alterne entre la progression de l’intrigue en 2014 et les flashbacks de l’affaire en 2006. Cette déconstruction enrichit le récit et permet d’ajouter de nouveaux éléments de suspens. Comme pour True Detective, les deux timelines vont se rejoindre à un moment ou à un autre. Moins radicale que les polars glacés d’Europe du Nord, The Missing fait l’effet d’un drôle de mélange entre série d’auteur et visée grand public. Portée par un cast international impeccable – l’Anglais James Nesbitt en père brisé et obsessionnel donne la réplique à Tchéky Karyo, Saïd Taghmaoui et Emilie Dequenne côté français – elle s’appuie sur une réalisation soignée jusqu’à son générique arty. La série souffre en revanche de quelques scènes téléphonées qui rappellent son statut de coproduction destinée à l’export. En optant pour une toile de fond et un casting en partie français, les producteurs se sont assurés de piquer l’intérêt d’une chaîne hexagonale. A la recherche de son Broadchurch (énorme succès surprise d’audience sur France 2 cette année), TF1 s’est porté acquéreur des droits de diffusion.

Par moments, le trait est un poil trop surligné, sans doute par peur de perdre le téléspectateur américain ou français. Mais en dépit de quelques faiblesses, The Missing tient plutôt bien la route. Son intrigue évoque évidemment l’affaire Maddie McCann, cette fillette britannique disparue en 2003 au Portugal, alors qu’elle était en vacances avec ses parents. Même choix d’un couple anglais confronté à la disparition de son enfant en terre inconnue (ici, la France), même surmédiatisation de l’affaire, fausses pistes et suspicions tous azimuts. On pense aussi à un autre fait divers fameux chez nous, l’affaire Grégory. La série dépeint de façon convaincante comment des éléments sensibles de l’enquête peuvent être dévoilés, et avoir des conséquences dramatiques. Comment l’appareil médiatique peut s’emballer, et piétiner allègrement la présomption d’innocence. Enfin, The Missing excelle surtout à retranscrire la douleur insondable d’un père face à la disparition de son fils. Elle se lit sur chaque plan du visage de James Nesbitt (Murphy’s Law, Jekyll), fantastique dans ce rôle bien casse-gueule où l’excès de zèle peut être fatal et faire basculer le personnage dans le pathos. Rien que pour ce portrait d’un homme brisé, qui avance avec l’énergie du désespoir, The Missing vaut le détour.