La mention « inspiré de faits réels » ne trompe plus personne aujourd’hui: même les films d’horreur les plus invraisemblables l’assènent en début de métrage avec un sérieux papal aux âmes perdues échouées dans la salle. Argument commercial pour les uns, gag ultime pour les spectateurs les plus déviants: cette mention ouvre le pilote de Scorpion, pour le meilleur et pour le rire.

La série suit Walter O’Brien, un brillant hacker évidemment précoce (à 13 ans, il piratait la NASA) qui a, dans la vie réelle, aidé le gouvernement américain à identifier les responsables de l’attentat de Boston. A l’écran, point d’attentat: Walter a passé la majeure partie de son enfance à travailler pour les États Unis. Il a même conçu des armes qui ont servi à tuer des innocents en Irak, ce qui lui fait un bon trauma de héros de série télé. Évidemment, son intelligence est également la source d’un gros handicap social qu’il partage avec son équipe de petits génies : de l’asiatique experte en ingénierie au petit gros plus fort en maths que Rain Man en passant par la résurrection du fameux “Pause Caca” d’American Pie, ici comportementaliste de génie. Tout va bien jusqu’à l’arrivée de Robert « T-1000 »  Patrick en champion de la Sécurité Intérieure proposant un petit boulot à nos génies tellement malins qu’ils ne peuvent même pas payer leur loyer : il y a un problème à la tour de contrôle de Los Angeles et une cinquantaine d’avions menacent de s’écraser sur la ville.

A ce moment là, un bandeau « c’est toujours une histoire vraie » aurait pu, comme dans Pain & Gain de Michael Bay, faire son apparition histoire de décupler le comique de ce « funcedural » comme la chaîne CBS aime à le décrire. Si l’aspect procedural se contente de suivre scrupuleusement le guide de la structure télévisuelle en cinq actes pour les nuls avec son lot de culminations et de progression agressivement artificielle des personnages et de leurs relations, c’est dans le fun que Scorpion trouve son ingrédient X et tout son intérêt. Si son pitch est digne d’un téléfilm catastrophe de NRJ12, la capacité de la série à en condenser la narration en trois quarts d’heure est remarquable. De scènes de hacking sous Windows avec des laptops Alienware du meilleur effet jusqu’au climax du pilote consistant à relier, à l’aide d’un banal cable RJ45, un Boeing en plein vol et une Ferrari lancée à pleine vitesse afin de télécharger le programme informatique qui pourra sauver Los Angeles, tout est sacrifié à l’autel du divertissement le plus total dans ce Mission Impossible 2.0 aux allures de A-Team hi tech. Fait remarquable pour un procedural, Scorpion parvient à surprendre, d’un épisode à l’autre, de par la fraîcheur et la variété de ses intrigues hebdomadaires (virus biologique mortel, attaques terroristes en plein L.A., remix de Ocean’s Eleven contre un casino retors, etc.).

La série raconte n’importe quoi et le fait plutôt bien, sans se soucier un seul instant de la crédibilité de l’ensemble. Avec les esthètes siamois de la dégénérescence que sont Alex Kurtzman et Roberto Orci à la production, un ancien scénariste des Sopranos et de Prison Break comme showrunner de la chose et Justin Lin (l’apôtre du naturalisme responsable de Fast & Furious 5 et 6), pouvait-il en être autrement ? Non, et c’est tant mieux, surtout qu’avec une telle équipe, le travail est carré et efficace jusque dans ses aspects les plus improbables. Depuis Prison Break, la télévision manquait de ce genre de programmes affichant le what the fuck ?! généralisé comme unique note d’intention. Et si vous y ajoutez une bonne dose de patriotisme (ce qui pousse le héros irlandais à se lancer dans l’aventure est un discours à base de « la meilleure chose que vous puissiez faire dans la vie, c’est servir votre pays »), ça devient tout simplement irrésistible et le must watch de cette rentrée série plutôt morne en fun décérébré.