Une voiture compressée par les flics qu’il a mis en rogne, un iPhone fendu de toutes parts, grossièrement rafistolé avec du scotch de chantier, un sac en papier marron de supérette en guise d’attaché-case et une allure débraillée malgré le costard font de Keegan Deane, le héros de Rake, un galérien angeleno acceptable. Il couche avec tout ce qui bouge et ses efforts ne l’empêchent pas d’être un très mauvais père. Cet avocat accroc au jeu et à la combine chimérique est avant tout le visage de son audience, cette Amérique touchée par la crise et scotchée devant sa télé.

Les producteurs peuvent remercier Greg Kinnear pour l’immédiate sympathie dégagée par ce personnage supposé symboliser la débauche évoquée par le titre de la série, un terme du XVIIIème désignant ce que l’on appelait par chez nous les jouisseurs. Hélas, loin des frasques d’un Loup de Wall Street, la débauche se limite ici à un personnage qui enchaîne les mauvaises décisions en buvant un verre de trop et en perdant l’argent qu’il n’a pas. Limitée par son statut de série de network que les auteurs ne parviennent pas à contourner, chaque épisode présente les mêmes enjeux qui, accumulés (Keegan badine avec son ex-femme, avec une prostituée et avec la plupart des jolies femmes qu’il croise, Keegan doit de l’argent à divers créanciers qui ne mettent jamais leurs menaces à exécution, Keegan gagne son affaire de la semaine en ayant une illumination très Dr House-esque….) ne masquent malheureusement pas le manque de direction de la série.

A ce titre, le fait que le premier épisode diffusé n’ait pas été le pilote initial (diffusé en quatrième position) est symptomatique de la recherche d’identité constante de la série. Chaque nouvel épisode se cherche et hésite à définitivement embrasser sa condition de procedural judiciaire sympathique tournant autour d’affaires plutôt amusantes (un amish traînant en justice ceux qui lui ont rasé la barbe, un grand chef accusé de polygamie ou encore ce serial killer refusant de tomber pour des crimes qu’il n’a pas commis). Malheureusement, ces intrigues sont souvent reléguées dans ce qu’un scénariste appellerait l’intrigue C, celle qui est là – ne nous mentons pas – pour faire du remplissage. Là où un Nip/Tuck parvenait à faire résonner son cas de la semaine avec le vécu et le parcours de ses héros, Rake se contente de nous rappeler qu’il est l’avocat des weirdos de L.A. Pendant ce temps, ses auteurs se complaisent à le faire naviguer d’un  problème personnel à l’autre. Ce manque d’ambition concourt à faire de Rake une série aussi rythmée que vaine, ses personnages tournant en rond illustrant à merveille l’idée de mouvement perpétuel.

Tout cela ne fait que desservir une série au potentiel certain (la FOX la voyait bien en héritière de House) que le manque d’assurance narrative fait stagner à tous les niveaux. Les relations de cet anti-héros de network avec son entourage n’ont jamais de conséquences réelles sur l’histoire que la série veut nous raconter, d’où la déception éprouvée pour cette série légère, produite par Sam Raimi et un ancien de Rescue Me, et dont le portrait cynique et désenchanté de l’Amérique qui galère méritait de trouver un écrin plus libertaire, osé et risque-tout que celui de la FOX.