Au pays du polar coup de poing, Prey fait office de nouvel uppercut. Si Broadchurch et son approche France 3 Côtes d’Armor du policier vous avait laissé sur votre faim, Prey est faite pour vous. Noire, nerveuse et hard boiled au dernier degré, la mini série d’ITV est un pur ride qui ne réinvente pas forcément la roue (loin de là) mais la fait tourner comme rarement avec une vélocité s’apparentant parfois à de la folie furieuse.

La scène d’intro pose le ton. Un véhicule de l’administration pénitentiaire. Deux détenus. L’un d’entre eux plante un stylo bic dans la poitrine de l’autre. Le conducteur perd le contrôle du fourgon. Chaos ensues. Après avoir aidé tout le monde, le prisonnier au stylo planté dans le corps s’éloigne de la scène de crime et se met à courir pour ne plus jamais s’arrêter. Cet homme, c’est l’inspecteur Marcus Farrow, bien décidé à prouver son innocence après avoir été accusé à tort du meurtre de sa femme et de l’un de ses fils.

Premier script de son scénariste Chris Lunt, Prey se distingue par une approche frontale et ultra-rapide. Selon ses producteurs, alors que la plupart des scripts écrits pour la télévision comportent en moyenne soixante séquences, le premier épisode de Prey en avait plus du double au compteur. Loin d’être épileptique, Prey propose surtout un rythme soutenu et une écriture épurée à l’extrême. Les séquences sont courtes, il n’y a pas de gras et ce n’est pas la mise en scène de Nick Murphy, au diapason de l’écriture précise et efficace, qui en rajoute.

Dans les faits, la série n’est qu’une variation à Manchester du Fugitif. A mesure que l’étau se resserre autour du héros, habité par l’acteur John Simm, la teneur du coup monté à son encontre et du complot mis en œuvre se dévoile, et la fuite en avant de plus en plus désespérée de cet homme acculé repart de plus belle. Ce qui distingue Prey d’autres séries du genre, c’est sa volonté de toujours aller de l’avant et de raconter quelque chose sans jamais s’arrêter. Les personnages se définissent dans l’action et sont, en cela, un modèle d’écriture économique qui sait ménager des rebondissements bien sentis.

Prey est aussi remarquable de par sa mise en scène et son mode de production, en total adéquation avec sa conception initiale. Le grand nombre de séquences et le budget alloué à la série n’auraient pas permis un tournage classique. Dès lors, la solution trouvée a contribué à insuffler une nouvelle louche d’intensité à la série : la caméra est portée et aucun éclairage artificiel n’a été utilisé sur le tournage. La caméra numérique RED utilisée est poussée dans ses derniers retranchements, rappelant en cela les expérimentations de Michael Mann il y a déjà une dizaine d’années de cela, pour un résultat brut plongeant le spectateur au cœur de l’action sans pour autant arborer une esthétique digne du Droit de Savoir. Au contraire, cette approche contribue au sentiment d’urgence palpable dans la série et donne lieu à des séquences s’apparentant à de véritables morceaux de bravoure quant à la gestion de la tension mise en œuvre.

Il y a dans Prey une recherche en terme de mise en scène, de composition des plans et du montage qui renvoie au meilleur du cinéma d’action et à ce qu’un Fred Cavayé a pu tenter de remettre au goût du jour en France : une approche humaine et viscérale du thriller, ramené à des enjeux simples et primaires, décuplant sans artifices l’efficacité du drame qui se joue sous nos yeux. En cela, Prey est exemplaire et, jusqu’à la dernière image, le suspense reste entier.