Annoncée et diffusée en catimini par Adult Swim, Black Jesus est la nouvelle série (live cette fois) de Aaron McGruder, créateur malheureux de The Boondocks dont il fut évincé pour la quatrième, ultime et décevante saison. Au programme de Black Jesus, une relecture du Nouveau Testament, de nos jours, dans un quartier de Compton, banlieue chaude de Los Angeles. Le pitch est simple : Jesus est Noir, il vit parmi les siens, il représente son ter-ter et ses apôtres sont les thugs du coin. Il descend litron sur litron, fume comme un sapeur, jure comme un charretier et quand il évoque Dieu, il l’appelle « papa », tout simplement. Sa mission sur Terre ? Cultiver de la weed en plein Compton, sans doute dans le but de propager la bonne parole. Après tout, pourquoi ne pas updater la biographie de l’homme le plus célèbre de l’Histoire de l’humanité ?

Malheureusement, le passage au live ne se fait pas sans heurts pour McGruder, clairement limité par le budget, de toute évidence minuscule, alloué à sa nouvelle création. Si les acteurs sont bons (mention spéciale à Charlie Murphy, frère d’Eddie, en sceptique anti-Jésus et Ponce Pilate concierge de l’immeuble où vivent Jésus et ses ouailles) et que l’idée générale est de se diriger vers une relecture potache, mais intelligente malgré tout, de la vie de Jésus matinée d’un discours provocateur sur la foi et tout ce qui va avec, le bât blesse du côté des scripts. Les situations, les vannes et les intrigues n’atteignent pas encore le niveau de The Boondocks et font plutôt ressembler Black Jesus à une hood comedy comme Friday, Barbershop et tous ces films quasi-communautaires qui n’ont jamais vraiment franchi l’Atlantique.

Malgré tout, cette interprétation de la vie et de l’oeuvre du Messie a déjà atteint ce qui était sans aucun doute l’un des buts de son créateur (qui a déjà éreinté les bien pensants de tous bords avec The Boondocks) en provoquant cette fois la colère des bigots. L’association One Million Moms (même si elles sont en réalité à peu près 70,000) s’est fendue d’innombrables communiqués de presse exprimant son dégoût face à un tel tissus d’inepties blasphématoires. Sans le savoir, leur ire a offert à la série son plus beau pitch et la meilleure description de son approche barrée du sujet. C’est vrai quoi … Jésus n’a jamais été impliqué dans des fusillades, Jésus ne transformait pas l’eau en bière, Jésus ne draguait pas les femmes, Jésus ne se garait pas sur les places handicapés et surtout, Jésus n’était pas Noir. La Bible conseille de ne pas invoquer le nom du Seigneur en vain, sauf si c’est pour involontairement faire de la pub à une obscure série du câble que le diffuseur n’aurait jamais pu se payer autrement.

Pendant ce temps, le chef de la Ligue Catholique (un extrémiste ayant calmement dit à la télé que les Juifs contrôlaient Hollywood) n’a rien vu de mal dans Black Jesus et Aaron McGruder, éduqué chez les Jésuites, ne s’est pas exprimé sur la controverse. Il a, comme toujours, laissé entendre qu’il savait très bien ce qu’il faisait. A l’issue des premiers épisodes et malgré leur gros défauts, nous sommes tentés de croire en lui et en son Évangile selon St Provoc.