Dix personnes, à la recherche de l’amour mais surtout de coups d’un soir, passent la soirée dans un bar branché dans lequel elles se croisent, se draguent, se rejettent et se vannent durant les treize épisodes de cette sitcom plus recommandable qu’il n’y paraît. Du groupe de potes « en chasse » aux deux copines de boulot aussi éloignées que possible l’une de l’autre en passant par le milliardaire escroc qui a tout perdu en un après-midi et le barman charmeur totalement superficiel, Mixology a des allures d’expérience sociologique (le présentateur d’American Idol produit) et de relecture du Jeu de l’Amour et du Hasard sous la direction de Larry Charles (Borat, Brüno, etc) et avec les auteurs de Very Bad Trip au scénario.

Malheureusement, ABC oblige, la série n’a pas grand chose de la comédie transgressive et osée que l’on aurait pu attendre d’une telle équipe. Dans le même genre, Unhitched, la série morte-née des frères Farrelly, était autrement plus réjouissante et recommandable. Visuellement, Mixology reste très fonctionnelle dans son filmage et se contente de piocher dans ce qui s’est fait ailleurs (les flashbacks font très Modern Family) quand il s’agit de sortir de son carcan. Certains choix étranges, comme celui de faire de l’un des personnages de la série le narrateur omniscient de la voix-off, aboutissent à un résultat bâtard laissant penser que le développement de la série a débouché sur des compromis qui n’ont pas été forcément bénéfiques au projet. Heureusement, l’intérêt de la série est ailleurs.

Pour l’amateur de curiosités télévisuelles, Mixology se pose en cas d’étude tout à fait intéressant. Pour commencer, à une époque où les networks sont à la recherche de programmes lisses et le plus fédérateur possible, la série s’offre une galerie de personnages allant du peu recommandables au franchement  antipathique. En plus de cela, forcée d’obéir à son concept, la série met en scène – pour la majeure partie de son récit – de nouveaux couples à chaque épisode, faisant des héros de l’épisode précédent les guests du nouveau. En l’absence de lead digne de ce nom – les dix personnages pourraient chacun être d’un certain point de vue le héros – il est difficile de pleinement rentrer dans la série. En ajoutant une écriture gentiment trashouille, un humour et des dialogues d’une vulgarité délicieuse (chaque épisode contient son lot de variations de la locution « défoncer une meuf ») que les féministes 2.0 n’ont pas eu le temps d’écharper vu la relative indifférence dans laquelle Mixology a été diffusée, on obtient une série qui a tout de l’anomalie, en particulier sur une network.

Si Mixology évite le statut d’accident industriel, c’est par l’attachement qu’elle parvient à générer pour sa brochette d’affreux, sales et méchants personnages et l’intérêt que son concept relativement original parvient à susciter. La série se présente comme une soirée longue à démarrer dans laquelle les gens se jugent et se jaugent avant de se lâcher et de s’amuser ensemble. Passée la moitié de la saison souffrant d’un flou narratif agréable mais forcément désarçonnant pour une sitcom, on finit par s’interroger sérieusement sur l’issue du récit et à attendre avec une certaine impatience le fin mot de l’histoire. Comme la série est d’ores et déjà annulée malgré des intentions prometteuses pour la suite (les auteurs voulaient parler de la première année d’une relation après avoir traité de la première nuit lors de la première saison), pas d’inquiétude à avoir sur l’issue de la chose. Mixology ne subira jamais les affres d’une carrière languissante à la How I Met Your Mother dont elle pourrait être un lointain cousin dégénéré. La série se pose clairement en sitcom expérimentale qui paie son envie d’aborder différemment la romcom, genre moribond à la télé depuis un moment (avant la tentative de retour en grâce à venir dans les prochains mois avec, entre autres, Marry Me et A to Z). Elle aura, malgré tout, eu le mérite d’avoir proposé une oeuvre singulière et tenté d’imposer un concept télévisuel intéressant dans un paysage de plus en plus normé.