Si la rentrée des séries s’est avérée bien fadasse du côté des networks, la concurrence qui abonde de toutes parts (le câble, les plateformes SVOD, les petites chaînes US) nous aura offert une poignée de bonnes surprises. Après The Affair et Transparent, place aux fighters tatoués de Kingdom, nouveau drama brut de décoffrage qui se déroule dans le milieu du free fight. Créée par Byron Balasco (FBI – Portés disparus, Flashforward), ce nouveau show suit le quotidien de la famille Henderson, dont le père, Alvey, gère un club de MMA (Mixed Martial Arts) à Venice en Californie avec sa nouvelle compagne, Lisa. Ses deux fils issus d’une précédente histoire, l’ingérable Jay et l’espoir Nate, travaillent ou s’entraînent au club. Ils entretiennent une relation complexe avec leur géniteur. La série débute par le retour de l’ex de Lisa, Ryan, tout juste sorti de prison. Alvey se met en tête de ramener cet ancien champion de MMA au bercail, persuadé qu’il pourra sauver son club de la banqueroute. Une décision qui passe mal du côté de Lisa, par franchement ravie de voir débarquer dans sa vie un homme qui, apparemment, lui en a bien fait baver.

L’environnement familial et l’ambiance testostéronée de Kingdom évoquent le Fighter de David O. Russell, mais aussi le drama familial Sons of Anarchy. DirectTV (un service de télévision par satellite qui a commencé à produire ses séries originales cette année) a bien révisé les classiques de HBO et FX. Kingdom applique une recette assez imparable en matière de série d’auteur américaine : l’évocation d’un milieu peu connu du public, mais intriguant et visuellement prometteur (les scènes de combat), une photographie et une réalisation soignées (la lumière de la Californie très utilisée, une caméra en mouvement qui colle aux protagonistes), des personnages écrits tout en nuances, un imbroglio familial digne d’une pièce de Shakespeare, et un élément perturbateur de départ, ici le retour d’un prodige en quête de rédemption. C’est presque trop millimétré pour être honnête.

Heureusement, ses anti-héros attachants sauvent la série d’un trop grand classicisme. Derrière leurs muscles et leurs tatouages intimidants (le mot «Destroyer» qui orne le torse de Ryan est pour le moins éloquent), les hommes de Kingdom cachent une sensibilité et des fêlures qui se dévoilent au fil des épisodes. Les quatre rôles masculins principaux sont composés avec ce qu’il faut d’explosivité et de nuances. Mention spéciale à l’acteur Jonathan Tucker, brillant dans le rôle de Jay Henderson, le mouton noir de la famille qui se cache derrière des provocations et excès en tous genres. Un personnage fucked up comme on les aime. Et puis Nick Jonas (oui, celui-là même…), méconnaissable les cheveux rasés et les muscles travaillés, s’en tire avec les honneurs dans le rôle taiseux du cadet de la famille sur lequel reposent les espoirs de grandeur du club.

La série peut paraître bourrine au premier abord. Elle veut en avoir l’air, filmant dès la première scène du pilote un Alvey qui règle son compte à deux mecs ayant eu la mauvaise idée de le chercher. Heureusement, elle ne se résume pas à ces scènes de baston hors ou dans la cage de free fight. Kingdom transpire le mâle avec ces séquences d’entraînement, ses combat au corps à corps et sa réflexion balbutiante sur la masculinité. Cela dit, les femmes tiennent une place non négligeable avec les personnages prometteurs de Lisa (Kiele Sanchez), qui gère tout ce beau monde, ainsi que Christina (Joanna Going), la première femme d’Alvey au parcours chaotique. Là encore, on pense à Sons of Anarchy et sa puissante matriarche Gemma. Le Samcro sera d’ailleurs dissolu au terme de sa saison 7 diffusée en ce moment sur FX, et on tient avec Kingdom un successeur potentiel. DirectTV en est d’ailleurs tellement contente que la série a déjà été renouvelée pour deux saisons supplémentaires.