Série événement de la FOX en cette rentrée, Gotham, menée par Bruno Heller (Rome, Le Mentaliste), vend un pitch plutôt alléchant: l’histoire de l’intégration du jeune inspecteur James Gordon au sein du Gotham City Police Department. En suivant son combat contre la pègre et la corruption doublé d’un irrésistible ascension au sein de la fonction policière, tout sériephile un peu geek sur les bords ne pouvait être qu’excité à l’idée de la rencontre de l’esprit de Sidney Lumet circa Serpico et de l’univers de Batman.

La vision du pilote suggère hélas que Gotham s’ingénie à faire le maximum pour être tout sauf ça. Dès le premier plan de la série, on dit adieu au cop show décomplexé en suivant une gamine vêtue de cuir se mouvant de façon aussi féline que ridicule dans une foule bigarrée. Elle vole une bouteille de lait lui permettant de nourrir un chat… et être témoin du meurtre d’un couple de gens très aisés sous les yeux de leur fils. Ce n’est jamais que la dixième fois que l’on assiste au meurtre des parents de Bruce Wayne, et aucun auteur n’a encore apporté de réponse quant à leur passage par une ruelle sordide et assez peu legit dans une ville où le taux de criminalité dépasse celui du manque d’imagination des networks quand il s’agit de lancer de nouveaux projets.

Le jeune Gordon (le toujours excellent Ben McKenzie de Southland) et son collègue Bullock sont chargés de l’affaire, et leur enquête aurait pu être renommée « Le Mystère Insondable du Fanservice » si elle avait été écrite par Gaston Leroux. D’un CSI agaçant au possible et ne parlant qu’en devinettes à la petite fille d’un suspect férue de botanique et ne manquant pas de lâcher son prénom (Ivy) en passant par un homme de main ambitieux n’aimant pas se faire traiter de « pingouin » (comme si c’était une insulte que l’on entendait tous les jours) jusqu’à l’apparition d’un comédien de stand up promis à un sombre avenir: Gotham s’intéresse plus à sa filiation servile à l’univers de Batman qu’à sa mission première consistant à raconter une histoire.

Aussi vain et stérile que tout bon prequel, le pilote de Gotham ressemble à un épisode des Muppet Babies qui mettrait en scène tous les freaks de Gotham City. En y ajoutant une intrigue policière des plus bateau (le parrain de la mafia, le fameux et apparemment philanthrope Carmine Falcone, possède quasiment tout le GCPD) faisant du meurtre des Wayne un fil rouge alambiqué que l’on s’attend à voir étiré à l’absurde (comme celui du Mentaliste et sa chasse à Red John), Gotham se loupe même sur ce qui aurait pu être la voie de son salut, son aspect cop show qui nous fait perdre tout espoir de ressemblance avec le très bon comics Gotham Central dont la série paraissait être l’adaptation non-officielle. Pire encore, au détour de quelques scènes, l’écriture cède même aux sirènes du soap dans son traitement du caractère de la fiancée de Gordon.

Même si le pilote refroidit grandement, on peut espérer que la suite mette de côté le fanservice petit bras pour se décider à raconter une histoire. Malgré la nuée de choses qui ne vont pas, cette Gotham garde le potentiel d’un petit polar burné inscrit dans le cadre d’un univers devenu mythique.