C’est dans la célèbre salle de Montreuil dédiée aux expérimentations free-jazz, avant-rock et autres bidouillages sonores qu’Un Automne à Lob-Nor venait pour la première fois donner au public parisien un aperçu de ses nouvelles compositions. Après une première partie torchée et guère originale de Margot (qui a dû s’enfiler le manuel du parfait post-rockeur pour réunir autant de clichés en quelques morceaux), le saltimbanque David Fennech, drolatique conteur d’histoires, détendait opportunément le public en l’invitant dans son univers musical décalé. Jonglant entre toys instruments et guitare en boucles, le soliste nous rapprochait d’un pas léger du pêché mignon du soir : goûter aux joies de la musique panoramique de Lob-Nor.

Bien qu’anxieux, le quatuor a inondé la salle par des atmosphères d’une rare tension, que n’avait pas su créer ici même Labradford. Le set s’est ainsi transformé en une dérive musicale d’une heure, oscillant autour de plusieurs motifs dépouillés, joués avec une lenteur oppressante. Car Lob-Nor est allé bien au-delà des possibilités ouvertes par le premier album, en bouleversant ses perspectives musicales : entièrement construites autour de samples d’une sombre beauté, les nouvelles compositions tournaient en effet le dos à leur précédent album (41°N, 90°E) où l’échantillonnage ne faisait qu’ornementer les partitions de basse/guitares/batterie.

Le groupe donnait à voir et à entendre plus qu’une représentation musicale : une véritable expérience visuelle, la musique servant des images projetées sur un écran. Qui plus est, la formation sur scène est en soi un véritable plaisir des yeux : plongés dans l’obscurité, les musiciens, assis, s’appliquent amoureusement sur leurs instruments. Et lorsqu’au fond de la scène, la silhouette de Sébastien Roux, courbé sur son manche, s’illumine du bleu dense d’un e-bow, c’est de la pure poésie.