Pendant vingt jours, dans une petite ville de la République centrafricaine, huit artistes européens et africains ont été invités à la lisière de la forêt tropicale pour une résidence de création. Les photos, les sculptures et les toiles réalisées sont aujourd’hui à Paris après avoir été exposés à Bangui. Dans l’hôtel particulier de la Direction des Affaires culturelles de la Ville de Paris, dans le Marais, c’est un peu de la jungle et de l’imaginaire africain qui sont de passage. Les œuvres des artistes concentrent l’expérience de cette résidence atypique où chacun a été confronté à des conditions spartiates comparables à celles des autochtones, et a exploité la richesse des matériaux locaux, naturels ou de récupération.

Les sculptures de Jean Lamore, français à l’origine du projet, accueillent les visiteurs. Corps en bois d’acajou ou d’ébène protégés comme quelque animal non acclimaté par des cages issues d’une technique pygmée. Le peintre italien Oreste Zevola a réalisé de nombreux Dessins de brousse sur papier aux couleurs délayées, cernés de larges cadres de bois. Les motifs et les figures symboliques réinterprètent une imagerie de l’Afrique rurale traditionnelle (serpents, sagaies, insectes, créatures fantastiques). Les vêtements tout en fibres de cocotier du Centrafricain Ernest Weangai, sorte d’habits de Robinson, étonnent par leur allure triviale autant qu’énigmatique. La veste de smoking pendue avec un slip dessine une panoplie de caméléon de la forêt ; quant au soulier, immense, il pourrait avoir été égaré par un génie des bois géant. Joël Pah Dooh, artiste camerounais, propose, lui, une réflexion sur le territoire et la propriété par ses toiles où se côtoient une terre couleur cinabre, des sandales usagées, des poches de pantalons. Les empreintes de main et de pieds semblent nous interroger : à qui la terre appartient-elle ? Le sable encore, chez Siaket Mafoi, artiste centrafricain, dessine des formes imprécises et colorées, djinns de poussière ou silhouettes mi-fantômes mi-terriennes. Enfin, rompant avec des matériaux campagnards, le photographe Samuel Fosso présente en un triptyque noir et blanc une poignante mise en scène de sa propre nudité qui n’est pas sans évoquer celle d’un Adam pris en faute.

Un regret tout de même : celui de n’avoir pu admirer de près les personnages carrés presque cubistes de Salifou Lindou, ou les sculptures en bois, épurées et minimales à la Brancusi, du Français Etienne Jacobée, toutes exilées sur le gazon du jardin intérieur, inaccessible. Quatrième parallèle, du nom de la piste que l’on emprunte pour aller à Salo, lieu de la résidence centrafricaine, présente au fond, huit regards sur l’Afrique, en même temps que le fruit d’une expérience collective. En prime, l’exposition nous rappelle que l’engouement vivace pour l’art africain, à travers les arts dits « premiers », ne doit pas faire oublier les nombreux talents que produit l’Afrique contemporaine.