L’originale Galerie du Sous-Sol propose la rencontre de deux de ses artistes, l’un au-dessus de l’autre ou l’un contre l’autre.

Dans la première salle, Nicolas Floc’h a disposé sur une moquette rouge 9 m2 de plaques d’aluminium où sont dessinées des lignes noires. Aux murs, des bandes de velcro de même couleur à différentes hauteurs. De quoi s’agit-il ? D’une sculpture minimaliste à la Carl André ? D’un plan d’architecte à l’échelle bien curieuse ? D’une peinture géométrique qui serait devenue un volume ? Dans la deuxième salle, on retrouve l’aluminium mais cette fois-ci sous forme de mobilier : un bureau, une table basse, quatre tabourets et des étagères. Il s’agit donc de la même structure dans les deux salles : à plat, elle forme un sol, tandis que montée, elle devient un bureau. Aucun centimètre n’est perdu, pas de reste, tout se transforme. Habitué de ces combinaisons, Nicolas Floc’h, artiste sans médium, travaille sur des formations littérales de mots (il a fait pousser ce qu’il appelle des « écritures productives » : des salades qui formaient le mot salade, de l’aneth, des carottes…), des installations de mobilier en kit ou des interventions dans le paysage. Ce qui semble relier toutes ses pratiques, c’est le souci de conformer la fonction d’un objet à son matériau en dépassant celui du designer ou du paysagiste. Le léger décalage qui s’instaure entre les mots et leur plantation, entre les meubles et leur réalisation, provient d’une certaine naïveté qui donne à ces propositions une dimension poétique.

Mais où est le travail du deuxième artiste ? Précisément sur le bureau en alu du premier, dans l’ordinateur. Les « Ready-mixed » d’Eric Maillet sont des pièces sonores réalisées au Japon dans des lieux publics envahis par une multitude de sons différents diffusés simultanément. Ils proviennent d’une prise de son en mouvement dans l’espace qui cherche à mettre en avant telle ou telle source sonore et à les enchaîner par improvisation. Version audio du ready-made de Duchamp, ce travail est entièrement réalisé en direct, sans montage ni effets spéciaux. Et pourtant, tout a l’air d’être monté, trafiqué et mixé. Incroyable de découvrir à quel point, grâce à cette écoute attentive, le réel est lié, dense et musical. De cette source sonore qu’on identifie habituellement au désordre, à la nuisance ou au brouhaha comme on peut en trouver dans les salles de jeu, ressort un véritable morceau qui semble composé, élaboré et pensé. En artiste discret, Eric Maillet ne touche pas à la matière sonore brute mais il l’élabore dans l’acte de la prise de son. Chacun de ces bruits peut certes évoquer des ambiances mais le travail réalisé évite l’illustration. Ni musique concrète, ni fiction auditive de lieux lointains, chaque morceau a acquis son autonomie par rapport à sa source.

Dans les deux cas, l’artiste intervient peu. Leur réalisation minimaliste laisse une part active au spectateur qui peut prolonger leur projet. Nous voici à la limite du presque rien ; pourtant cet aspect anti-spectaculaire produit des effets qui modifient légèrement la perception et l’appréhension du réel. C’est là toute la force de la simplicité.