Certains parlent d’esthétique, de beauté… Rien à foutre ! Il est question de l’article premier des droits universels du spectateur : la pièce doit pouvoir être prise brute sans commentaire, en un face-à-face avec le spectateur, lui, prêt à écouter. C’est l’abolition d’un art élitiste pour cultivé du cerveau. Picasso n’a aucune raison d’y échapper. Apprenti sculpteur, il cherche et expérimente bien plus la matière que l’originalité du sujet. Ses mini-formats manquent de force. L’émotion en devient pathétique quand on s’arrête devant un vulgaire morceau de papier. Où est le message ? Le mécontentement grandit lorsqu’on traîne dans les méandres de ses brouillons exposés. Il s’est cantonné à quelques thèmes communs : femmes, baigneuses, etc. Sa relation à la matière est exploratoire. Mais il assemble ses objets du quotidien et l’impose comme sculpture ! L’agencement des salles, alternant clair et obscur, renforce ce sentiment de pénétrer dans l’intimité d’une vie laborieuse de l’artiste. Ca en devient dérangeant.
Et tout au long on est ballotté entre émotion et déception : est-ce une visite de son atelier ou une exposition ? Les Têtes de femmes à nez de nasique s’offrent à nous comme un plat de jelly. L’instant d’après on se trouve lacéré par des personnages surréalistes, rappelant ses peintures. On est surpris par le contraste, de qualité. Alors quelque chose reste à éclaircir dans le travail de Picasso.

L’erreur est d’appréhender ses sculptures, une à une, sans contexte. Ainsi Beaubourg ne nous offre pas une série d’œuvres mais bien une rétrospective. C’est le parcours d’un artiste entre les matières déclinant le thème de la femme, de Fernande à Marie-Thérèse. Du premier jet à l’ultime interprétation, la guitare est un bel exemple. Progressivement il s’est constitué un véritable bestiaire. Il a atteint son satisfecit avec le métal. La force de l’œuvre sculpté de Picasso prend tout son sens lorsqu’on le replace à son époque : complètement avant-gardiste et inclassable comme sa série de baigneuses entre carton et grain de sable. Il est toujours déroutant et passionnant de voir l’œuvre d’un génie hors de son format officiel et/ou reconnu. Alors, allez découvrir l’œuvre sculpté de Picasso.