Typiquement, Lamb est une formation sous-estimée. Ou plutôt sous-médiatisée, si l’on peut considérer l’inverse comme une chose souhaitable. La rencontre entre Andrew Barlow (l’homme-machine) et Lou Rhodes (la voix, et quelle voix !) ne date finalement que de 1995. Par ailleurs, l’accouplement forcé d’un DJ accoutumé aux beats costauds et malades avec une chanteuse folk peut certes engendrer sinon la suspicion, du moins le scepticisme. Or ignorer Lamb aujourd’hui et ses deux perles d’albums mi-trip hop, mi-drum’n’bass (Lamb -1996- et Fear of four -1999), c’est impardonnable, car la salade se révèle particulièrement goûteuse.
Mais la bonne nouvelle, c’est que le groupe est en outre excellent à la scène. Preuve en est cette soirée du 4 novembre dernier à l’Elysée-Montmartre. L’accueil de nos agneaux de Manchester fut pourtant délicat puisqu’il fallait arracher nos esprits, sur Soft mistake, l’intro de Fear of four, du lourd sommeil assené par les scratchs poussifs et interminables du collectif de Djs D-mon. Drôles de lascars qu’on imagine, espérons-le, plus inventifs en studio.

Lamb se révèle alors en config’ drum’n’bass classique. Contrebasse, trompette, batterie, et tout l’attirail techno contrôlé par le maître Barlow. Au centre et partout, les envolées vocales de Lou Rhodes, la Beth Gibbons de service (stoppons tout net le rapprochement avec Portishead, pas sérieux). Sauf que voilà, en plus d’avoir un timbre unique en son genre, une voix infantile, suave et menaçante à la fois, la miss a pour elle un physique fort gracieux et des mimiques emballantes. Au bout du compte, et à l’instar de Björk, une présence et un charisme redoutables. Ce qui, en live, n’est pas pour déplaire à la foule.
S’enchaînent alors sur deux heures de temps le répertoire quasi complet (2 LP, 24 titres, vite torchés tout ça) du groupe, bombes mélodiques comprises (au pif : Softly, Goreki, Gold). Tout du long, la prestation frise la perfection. Puis vient Alien, titre sombre pourtant dédié a un événement heureux : la naissance du fils de Lou, Reuben. Finalement, à lui seul le morceau définit parfaitement la musique de Lamb : un subtil mélange de noirceur et d’euphorie véhiculé par une rythmique jungle tantôt cristalline, tantôt déjantée. Des pop songs doucement inamicales, franchement fascinantes. En live, aucun doute, ça fonctionne. Pour autant, l’Elysée Montmartre ne se transforme jamais en dance-floor. Le turbulent Andrew Barlow a beau s’y reprendre à maintes reprises pour exciter la foule, notamment avant d’entamer l’excellent Ear parcel -logiquement le titre le plus entraînant-, rien n’y fait. Dans la fosse, on secoue la tête, pas plus. Jusqu’à l’ultime note d’une version jazz-cool de B-line, déjà jouée plus tôt dans la soirée. Belle comme ça, l’électro s’écoute. Voilà tout. Ne ratez donc sous aucun prétexte le prochain passage de Lamb en France.

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