Annoncé comme un des événements français lyriques de la saison 2000-2001, l’opéra Die tote Stadt (La Ville morte) n’a pas tenu ses promesses. Créé en Allemagne en 1920, il n’avait jamais été joué en France depuis. Il faut dire que Erich Wolfgang Korngold a sombré dans l’oubli le plus complet après 1945 ; enfant prodige dans les années 1910, salué par Richard Strauss dès ses 12 ans, émigré au cours des années 30 à Hollywood, il ne s’est plus alors consacré qu’à la composition de musiques de film. Seul son Concerto pour violoncelle a passé la rampe des concerts. C’est à l’initiative de l’Opéra du Rhin qu’a été décidée la résurrection de cette Ville morte. Musicalement, on a rarement entendu une œuvre aussi informe.

Mélange du Salomé de Strauss et d’une musique de scène de Broadway, effleurant parfois Rimski-Korsakov ou Debussy, Die tote Statdt est un opéra hybride, impossible à cerner. Le livret n’aide pas vraiment ; adaptée d’un roman grotesque de l’écrivain Georges Rodenbach, typique du symbolisme belge, l’histoire accumule les clichés. On peut trouver cela délicieusement désuet ou complètement idiot. La mise en scène d’Inga Levant nous pousse à choisir la seconde proposition. Dans un décor de Dresde après les flammes, les chanteurs se meuvent dans un espace kitsch et improbable. En sur-signifiant le propos (lumières finales sur No Exit, Paul qui s’amuse avec sa poupée…), Inga Levant a choisi délibérément de placer le spectacle sous le signe du lourdingue. On a plutôt envie de rire… Les interprètes font tous preuve d’un jeu exagéré ; rarement on aura si peu cru à ce qui se passe sur une scène. Torsten Kerl, dans un rôle très difficile vocalement, ne tient pas la route ; pas d’aigus, le son trop souvent bloqué dans la tête, il ne nous a pas paru de taille à porter le rôle. On peut dire le contraire de sa partenaire Angela Denoke, qui possède une réelle présence. Certes, les fins de phrase ne sont pas propres, l’intonation pas toujours parfaite mais quel coffre ! Elle sauve la soirée à elle toute seule. Les autres chanteurs ne tirent pas vraiment leur épingle du jeu ; ils ne sont pas mauvais pour autant, ils sont juste secondaires. L’orchestre occupe en réalité le devant de la scène. La partition est très, trop riche. Fondée sur quelques tonalités leitmotive, elle donne une impression générale de fouillis. La direction de Jan Latham-Koenig est correcte mais joue trop sur l’emphase ; aussi l’orchestre est-il parfois à la limite de la boursouflure. En définitive, on a un peu eu l’impression d’assister à un film de Jean-Jacques Beinex. Autant dire qu’il ne nous en reste qu’une impression de gâchis.

On pourra se procurer le nouveau numéro de la revue Avant-scène Opéra qui est consacré à Die tote Stadt. Le commentaire musical et littéraire a été réalisé par Alain Perroux (voir ce site)