Pas plus d’une centaine de personnes (c’est dimanche soir), mais uniquement des connaisseurs, pour voir André Williams, légende R&B cultissime et « producteur d’ambiance » du dernier Jon Spencer Blues Explosion, au Magic. Un vrai club de rock’n’roll -décoration Stooges/Hendrix/Stones sixties, scène grande comme un mouchoir de poche et bars accueillants- comme Barcelone en compte une bonne dizaine, de quoi nous rendre jaloux, pauvres Français accros au binaire.
Histoire de se mettre en jambes, les Countdowns attaquent pied au plancher un set de vingt-cinq minutes. Brian Waters, le leader, brame Got it goin’on dans le micro de sa Telecaster (idéal pour obtenir un son sursaturé), son gimmick favori. La suite évoque une collision frontale entre les New York Dolls et le MC5. Pas mal pour un trio d’Angelenos garagistes qu’on surnommerait bien les LA3 pour l’occasion.

Après un changement de chemises lamées (d’argenté à rouge) et avec le renfort de Zach, guitariste rythmique à l’air endormi mais pas précisément manchot, les Countdowns se métamorphosent en backing-band sensuel et même subtil pour André Williams. Habillé d’un extravagant zoot suit et d’un élégant panama, notre frétillant sexagénaire (l’accent est sur sex) va pendant une heure durant célébrer les plaisirs horizontaux, plus crooner lubrique que shouter tonitruant. De Pussy stank en I just wanna make love to you, Let me put it in et autres Jail bait, le Bad motherfucker n’en rate pas une, et enfonce le clou pour ceux qui n’auraient pas compris : « Si vous n’aimez pas la chatte, vous êtes malades, et rentrez chez vous ! ». Ce qui pourrait relever du machisme de vieux cochon passe en douceur grâce au charme buriné et au sourire de petit garçon de notre homme, qui se fend également d’une splendide version doo-wop de son premier tube fifties, Bacon fat, d’un Shake a tail feather (dont il est le co-auteur) revigorant, et d’une reprise pied au plancher du Mustang Sally de Wilson Pickett.

André sortira de scène porté en triomphe sur les épaules de Kike Turmix, l’imposant chanteur/greaser des Pleasure Fuckers, légendes de l’underground rock espagnol. Mission accomplie : la flamme du rock’n’roll et de la soul brille toujours haut et fort, en sautant le fossé des générations, côté scène comme côté public. Fiesta ! On espère juste que les projets d’enregistrement en commun de l’ancien producteur de l’écurie Motown et des Countdowns ne tarderont pas trop à se concrétiser.