Le label Praga continue d’explorer le répertoire tchèque, ses interprètes. Au hasard d’un catalogue riche de nombreuses références, il propose de nous faire entendre des œuvres, trop sous-estimées, du répertoire de musique de chambre du XXe siècle : l’œuvre de Zoltán Kodály.

L’histoire ne retient que peu de choses de la musique du fidèle ami de Bartók. On connaît encore quelques grandes formes orchestrales, telles les Danses de Galanta, son concerto pour orchestre ou « Soir d’été » créé à New York par Toscanini. Son talent pour l’écriture de musique chorale avec orchestre nous laisse, entre autres, le Psalmus hungaricus, ou psaume hongrois (gigantesque fresque pour ténor, chœur, orgue, orchestre et chœur d’enfants), composé pour le cinquantenaire de l’union entre Buda et Pest. L’histoire retient enfin son scrupuleux travail d’ethnomusicologue : Kodály a répertorié des années durant (souvent avec Bartók) les thèmes populaires de toutes les régions bordant le Danube. Il fut pionnier en la matière et sa musique est remplie de chants, de rythmes tziganes, roumains, slovaques ou magyars. De sa passion pour les chants populaires, il retint des rythmes et des modes, et surtout une spontanéité jamais démentie.

Le répertoire qu’enregistrent ici Michal Kanka, Pavel Hula et Jaromir Klepac est méconnu en France. C’est une faiblesse qu’il faut tout de suite combler. La sonate pour violoncelle seul est par exemple d’une grande beauté. Elle ne renferme pas les inventions radicales de la sonate pour violon seul de Béla Bartók. Elle semble même écrite dans le langage tonal (si mineur). Forme classique en trois mouvements, discours continu d’un lyrisme étonnant. Les couleurs que Kanka sort de son violoncelle sont inattendues. Entend-on un violoncelle, une harpe, tout un orchestre ? Tant par la variété des modes d’attaques que dynamiques, cette interprétation est un voyage aux confins du monde sonore. Un enregistrement à comparer aux trois suites pour violoncelle seul de Benjamin Britten par Rostropovitch au meilleur de lui-même, c’est-à-dire sublime.

En complément de programme, le duo pour violon et violoncelle et la sonate pour violoncelle et piano, composés eux aussi dans les mêmes années (entre 1910 et 1915), sont des œuvres à découvrir. Promenades à deux voix, références au concept de « duo » schubertien, mais aussi fresques beethovéniennes, ces partitions devraient être au répertoire de tout musicien. L’introduction de la sonate avec piano est digne du mystère de la sonate pour alto opus 147 de Chostakovitch. Tout simplement ! Des beautés envoûtantes certes, qui doivent le meilleur d’elles-mêmes au jeu sans cesse réinventé d’un artiste méconnu : Michal Kanka.