Attention, prodige ! Yann Tiersen signe ici son troisième album et par la même occasion un chef-d’oeuvre, essentiellement instrumental (quelques titres sont chantés, dont deux par Dominique A.), qui se joue des genres et ne peut que séduire, quels que soient vos goûts musicaux. Tout comme un phare brille par son isolement, sa solitude, Yann Tiersen est bien seul dans le spectre de la production musicale actuelle.
Virtuose multi-instrumentiste, compositeur subtil et audacieux, Yann cultive un sens de la ritournelle et un héritage folklorique nobles, autant de valeurs basiques partout ailleurs oubliées à une époque où les disques ressemblent de plus en plus à une démonstration technologique et à une suraccumulation d’effets que le gogo gobe sans discernement, habitué qu’il est au nivellement par le bas opéré depuis belle lurette par les ténors de la bande F.M…

Violon, accordéon, piano, toy pianos ou épinette se mêlent et s’entrecroisent au gré des titres, non sans rappeler l’atmosphère enivrante du, hélas, défunt Penguin Cafe Orchestra, ou des groupes singuliers qui furent ses voisins de plages (musicales) sur l’excellente compilation Ici D’ailleurs, tels que les belges de Die Anarchistische Abendunterhaltung, les autrichiens de Die Knodel ou encore, dans un genre plus personnel, l’excellent Dominique Petitgand. Yann Tiersen a le rare talent d’envoûter immédiatement toute paire d’oreilles qui passerait à sa portée et d’évoquer toutes sortes d’images que chacun va puiser dans son expérience et son enfance.
Saupoudrez le tout d’une certaine dose d’humour et de dérision -toujours avec la même subtilité…-, incorporez un soupçon du rock’n’roll déglingué (Sonic Youth, Swans,…) dont Yann Tiersen s’abreuve depuis longtemps… Voilà qui pourrait ressembler diablement à une réincarnation moderne d’Erik Satie !